Test de primalité de Lucas-Lehmer pour les nombres de Mersenne
Pour les articles homonymes, voir Lucas, Lehmer, Test de Lucas et Test de primalité de Lucas-Lehmer.
En mathématiques, le test de Lucas-Lehmer est un test de primalité pour les nombres de Mersenne. Le test fut originellement développé par Édouard Lucas en 1878 et amélioré de façon notable par Derrick Henry Lehmer dans les années 1930, grâce à son étude des suites de Lucas[1],[2].
Sommaire
1 Théorème
2 Exemples
3 Preuve
4 Notes et références
5 Articles connexes
Théorème |
On définit par récurrence la suite d'entiers (si)i≥0 par[3] :
- s0=4et∀i∈Nsi+1=si2−2.{displaystyle s_{0}=4quad {rm {et}}quad forall iin mathbb {N} quad s_{i+1}=s_{i}^{2}-2.}
Les premiers termes de cette suite sont 4, 14, 194, etc. (suite A003010 de l'OEIS).
Soit p un nombre premier différent de 2. Le nombre de Mersenne Mp = 2p – 1 est premier si et seulement si sp – 2 est divisible par Mp[4].
Le nombre sp − 2 mod Mp est appelé le « résidu de Lucas-Lehmer » de p[5].
Exemples |
- Le nombre de Mersenne M3 = 7 est premier. Le test de Lucas-Lehmer le vérifie de la manière suivante. À partir de s0 = 4, on calcule s3 − 2 = s1 = 42 − 2 = 14 ≡ 0 mod 7. Puisque la valeur de s1 mod 7 est 0, la conclusion est que M3 est premier.
- En revanche, M11 = 2 047 = 23 × 89 n'est pas premier. Encore une fois, s0 = 4 mais on calcule maintenant, modulo 2 047, les termes successifs de la suite s jusqu'à l'indice 11 − 2 = 9 :
s1 = 42 − 2 = 14
s2 = 142 − 2 = 194
s3 = 1942 − 2 ≡ 788 mod 2 047
s4 ≡ 7882 − 2 ≡ 701 mod 2 047
s5 ≡ 7012 − 2 ≡ 119 mod 2 047
s6 ≡ 1192 − 2 ≡ 1 877 mod 2 047
s7 ≡ 1 8772 − 2 ≡ 240 mod 2 047
s8 ≡ 2402 − 2 ≡ 282 mod 2 047
s9 ≡ 2822 − 2 ≡ 1 736 mod 2 047
Puisque la valeur de s9 mod 2 047 n'est pas 0, la conclusion est que M11 = 2 047 n'est pas premier.
Preuve |
On a besoin de 32p−1−1≡−1mod2p−1{displaystyle 3^{2^{p-1}-1}equiv -1{bmod {2}}^{p}-1} si 2p−1{displaystyle 2^{p}-1} est premier[6], un cas simple de réciprocité quadratique.
On se place dans l'anneau Z2p−1[3]={a+b3mod2p−1}{displaystyle mathbb {Z} _{2^{p}-1}[{sqrt {3}}]={a+b{sqrt {3}}{bmod {2}}^{p}-1}}.
Puisque p∣2p−1−1{displaystyle pmid 2^{p-1}-1} on a 22p−1−1≡1mod2p−1{displaystyle 2^{2^{p-1}-1}equiv 1{bmod {2}}^{p}-1}. Par ailleurs 2+3=12−3=(2.3+23)23.23{displaystyle 2+{sqrt {3}}={frac {1}{2-{sqrt {3}}}}={frac {(2.3+2{sqrt {3}})^{2}}{3.2^{3}}}}.
- Si 2p−1{displaystyle 2^{p}-1} est premier on a (2.3+23)2p−1≡(formule du binôme)(2.3)2p−1+(23)2p−1⏟322p−132p−1−1≡2.3−23mod2p−1{displaystyle (2.3+2{sqrt {3}})^{2^{p}-1}!!!!!{underset {scriptstyle {text{(formule du binôme)}}}{equiv }}!!!!!(2.3)^{2^{p}-1}+underbrace {(2{sqrt {3}})^{2^{p}-1}} _{{sqrt {3}}2^{2^{p}-1}3^{2^{p-1}-1}}equiv 2.3-2{sqrt {3}}{bmod {2}}^{p}-1} donc
- (2+3)2p−1=(2.3+23)2p(3.23)2p−1≡(2.3+23)(2.3−23)−3.23≡−1mod2p−1(1){displaystyle (2+{sqrt {3}})^{2^{p-1}}={frac {(2.3+2{sqrt {3}})^{2^{p}}}{(3.2^{3})^{2^{p-1}}}}equiv {frac {(2.3+2{sqrt {3}})(2.3-2{sqrt {3}})}{-3.2^{3}}}equiv -1{bmod {2}}^{p}-1qquad qquad (1)}
- Notons que (1) est vrai si et seulement si Sp−2=(2−3)2p−2((2+3)2p−1+1)≡0mod2p−1{displaystyle S_{p-2}=(2-{sqrt {3}})^{2^{p-2}}left((2+{sqrt {3}})^{2^{p-1}}+1right)equiv 0{bmod {2}}^{p}-1} où S0=4,Sn+1=Sn2−2=(2+3)2n+1+(2−3)2n+1{displaystyle S_{0}=4,S_{n+1}=S_{n}^{2}-2=(2+{sqrt {3}})^{2^{n+1}}+(2-{sqrt {3}})^{2^{n+1}}}.
- Maintenant on suppose que (1) est vrai mais que 2p−1{displaystyle 2^{p}-1} n'est pas premier. Soit q{displaystyle q} son plus petit facteur premier, si bien que q2≤2p−1{displaystyle q^{2}leq 2^{p}-1}. On obtient
- (1)⟹(2+3)2p−1≡−1modq{displaystyle (1)implies (2+{sqrt {3}})^{2^{p-1}}equiv -1{bmod {q}}}
2p{displaystyle 2^{p}} est donc l'ordre de 2+3{displaystyle 2+{sqrt {3}}} dans le groupe multiplicatif Zq[3]×{displaystyle mathbb {Z} _{q}[{sqrt {3}}]^{times }}. Mais ce groupe a r{displaystyle r} éléments où r≤q2−1{displaystyle rleq q^{2}-1}. On aurait donc
- (2+3)r≡1modq{displaystyle (2+{sqrt {3}})^{r}equiv 1{bmod {q}}}
- une contradiction puisque r≤q2−1<2p{displaystyle rleq q^{2}-1<2^{p}}.
Finalement on se place dans l'anneau Z2p−1[i,3]{displaystyle mathbb {Z} _{2^{p}-1}[i,{sqrt {3}}]} qui contient la racine 3e de l'unité
ζ3=−12+i32{displaystyle zeta _{3}=-{frac {1}{2}}+i{frac {sqrt {3}}{2}}} qui vérifie ζ3−ζ32=i3{displaystyle zeta _{3}-zeta _{3}^{2}=i{sqrt {3}}} si bien que si 2p−1{displaystyle 2^{p}-1} est premier −i332p−1−1=(ζ3−ζ32)2p−1≡ζ32p−1−ζ32(2p−1)≡ζ3−ζ32≡i3mod2p−1{displaystyle -i{sqrt {3}},3^{2^{p-1}-1}=(zeta _{3}-zeta _{3}^{2})^{2^{p}-1}equiv zeta _{3}^{2^{p}-1}-zeta _{3}^{2(2^{p}-1)}equiv zeta _{3}-zeta _{3}^{2}equiv i{sqrt {3}}{bmod {2}}^{p}-1} et on a donc bien 32p−1−1≡−1mod2p−1{displaystyle 3^{2^{p-1}-1}equiv -1{bmod {2}}^{p}-1}.
Notes et références |
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Lucas–Lehmer primality test » (voir la liste des auteurs).
(en) D. H. Lehmer, « An extended theory of Lucas' functions », Ann. Math., 2e série, vol. 31, 1930, p. 419-448 (JSTOR 1968235).
(en) D. H. Lehmer, « On Lucas' test for the primality of Mersenne numbers », J. London Math. Soc., vol. 10, 1935, p. 162-165 (lire en ligne).
Cette suite est décalée dans les articles originaux de Lehmer et dans (en) Chris Caldwell, « A proof of the Lucas-Lehmer Test », sur Prime Pages et (en) Benjamin Fine et Gerhard Rosenberger, Number Theory: An Introduction via the Distribution of Primes, Springer, 2007(lire en ligne), p. 226 : si = Si+1 avec S1 = 4 et Sk = Sk–12 – 2. La condition s'écrit alors : Sp – 1 est divisible par Mp.
(en) Paulo Ribenboim, The Little Book of Bigger Primes, Springer, 2004, 2e éd. (ISBN 978-0-387-20169-6, lire en ligne), p. 77-78.
(en) Eric W. Weisstein, « Lucas-Lehmer Test », sur MathWorld.
(en) J. W. Bruce, « A Really Trivial Proof of the Lucas–Lehmer Test », The American Mathematical Monthly, vol. 100, no 4, 1993, p. 370–371 (DOI 10.2307/2324959)
Articles connexes |
- Great Internet Mersenne Prime Search
- Prime95
Test de Lucas-Lehmer-Riesel (en)
- Portail de l’arithmétique et de la théorie des nombres