Fonction entière
En analyse complexe, une fonction entière est une fonction holomorphe définie sur tout le plan complexe. C'est le cas notamment de la fonction exponentielle complexe, des fonctions polynomiales et de leurs combinaisons par composition, somme et produit, telles que sinus, cosinus et les fonctions hyperboliques.
Le quotient de deux fonctions entières est une fonction méromorphe.
Considérée comme un cas particulier de la théorie des fonctions analytiques, la théorie élémentaire des fonctions entières ne fait que tirer les conséquences de la théorie générale. C'est celle que l'on voit essentiellement dans un premier cours sur la théorie des fonctions complexes (souvent enrichi du théorème de factorisation de Weierstrass). Mais l'étude, commencée depuis le milieu du XIXe siècle, par Cauchy, Laguerre, Weierstrass… s'est considérablement enrichie sous l'impulsion de Borel, Hadamard, Montel, Picard, Valiron, Blumenthal… (sans oublier Nevanlinna) et constitue maintenant une imposante théorie.
La théorie des fonctions entières se fixe comme buts de classifier les fonctions entières selon leurs croissances, de préciser le lien entre les coefficients de Taylor de la fonction et la croissance, le lien entre les zéros éventuels et le comportement de la fonction, et les relations entre la fonction et ses dérivées sur ces questions.
Ces aspects de la théorie des fonctions entières ont été étendus aux fonctions méromorphes.
Sommaire
1 Les fonctions entières dans la théorie des fonctions analytiques
2 Théorie élémentaire
2.1 Les inégalités de Cauchy
2.2 Le théorème de Liouville
2.3 Propriétés algébriques
2.4 Le point à l'infini
2.5 Le principe des zéros isolés
2.6 Le théorème de l'image ouverte
2.7 Le principe du maximum
2.7.1 Les théorèmes de Phragmén-Lindelöf
3 La croissance des fonctions entières
3.1 Le module maximum des fonctions entières
3.2 Fonctions à croissance rapide
3.3 L'ordre des fonctions entières
3.4 Exemples
3.5 Relation entre les coefficients et la croissance
3.6 Le lemme de Borel-Carathéodory
3.7 L'ordre de la dérivée d'une fonction entière
3.8 Ordre inférieur et ordre précisé L
3.9 Les fonctions entières à croissance régulière
4 Factorisation des fonctions entières d'ordre fini
4.1 Le théorème de factorisation de Weierstrass
4.2 Estimations sur le produit canonique
5 Le terme maximum de la série de Taylor
6 La distribution des valeurs des fonctions entières
6.1 Image d'une fonction entière
6.2 Fonctions entières prenant des valeurs données
6.3 Les zéros des fonctions entières
6.4 La formule de Jensen et l'exposant de convergence des zéros
6.5 Le genre
6.6 Un théorème de Laguerre
6.7 Le lien entre la croissance et la distribution des zéros
6.8 Les fonctions entières d'ordre non-entier
6.9 Les fonctions entières d'ordre entier
6.10 Les fonctions entières et les angles
6.11 Les cercles de remplissage
6.12 Les valeurs asymptotiques
6.13 La conjecture de Denjoy
6.14 La fonction indicatrice de Phragmén-Lindelöf
6.15 Le théorème de Carlson
6.16 Le théorème de Pólya
7 La théorie des fonctions entières d'ordre infini de Kraft-Blumenthal
8 La théorie des fonctions entières d'ordre 0
9 Applications de la théorie des fonctions entières
10 Bibliographie
11 Notes et références
Les fonctions entières dans la théorie des fonctions analytiques |
On classe habituellement les fonctions analytiques complexes selon leur complexité, et cette complexité est celle de leurs singularités. Hormis les fonctions polynomiales, apparaissent ainsi les fonctions entières qui sont l'objet de cet article, les fonctions méromorphes qui sont des quotients de fonctions entières et dont les seules singularités sont polaires, les fonctions présentant des singularités essentielles ou des points de branchement formant ainsi les fonctions les plus compliquées parmi les fonctions analytiques d'une seule variable complexe.
Les fonctions entières apparaissent comme des généralisations des fonctions polynomiales : elles se comportent comme des « polynômes de degré infini ». Ce sont ainsi les fonctions analytiques les plus simples en dehors des polynômes, n'ayant aucune singularité à distance finie et une seule singularité à l'infini, comme on le verra. Cependant, l'étude de ces fonctions est difficile et il reste encore de très nombreuses questions ouvertes, bien que cette étude soit commencée depuis près de deux cents ans.
Théorie élémentaire |
Soit f une fonction analytique complexe holomorphe en z. Elle est développable en série entière autour du point z selon la formule de Taylor-MacLaurin
f(s)=∑n=0∞an(s−z)n.{displaystyle f(s)=sum _{n=0}^{infty }{a_{n}(s-z)^{n}}.}
La théorie des séries entières montre que la série précédente converge absolument et uniformément dans le disque ouvert de centre z et de rayon R donné par le théorème de Cauchy-Hadamard :
1R=lim supn→∞|an|1/n.{displaystyle {frac {1}{R}}=limsup _{nrightarrow infty }|a_{n}|^{1/n}.}
Le principal résultat de la théorie des fonctions analytiques complexes est que le rayon de convergence est déterminé par la distance R{displaystyle R} entre le point z{displaystyle z} et la singularité la plus proche.
On dit d'une fonction analytique complexe qu'elle est entière lorsqu'elle est holomorphe en tout point du plan complexe. Elle n'a donc pas de singularité à distance finie.
Rappelons qu'une fonction holomorphe en un point y est indéfiniment dérivable.
Soit f une fonction entière. Comme toute fonction analytique holomorphe en un point, elle est développable en série entière convergente de la forme
f(z)=∑n≥0anzn{displaystyle f(z)=sum _{ngeq 0}a_{n}z^{n}}
et, comme elle n'a d'autre singularité que le point à l'infini, le rayon de convergence est infini. Autrement dit, la série converge quelle que soit la valeur de z.
On a donc
lim supn→∞|an|1/n=0.{displaystyle limsup _{nrightarrow infty }|a_{n}|^{1/n}=0.}
Et il en est de même de chacune de ses dérivées qui sont entières également.
La formule intégrale de Cauchy
f(z)=12πi∫γf(s)s−zds{displaystyle f(z)={frac {1}{2pi i}}int _{gamma }{{frac {f(s)}{s-z}}ds}}
permet, en développant la fraction 1/(s-z) en série entière, d'identifier les coefficients de Taylor à des intégrales :
an=f(n)(z)n!=12πi∫γf(s)(s−z)n+1ds.{displaystyle a_{n}={frac {f^{(n)}(z)}{n!}}={frac {1}{2pi i}}int _{gamma }{{frac {f(s)}{(s-z)^{n+1}}}ds}.}
Dans les deux cas γ{displaystyle gamma } est un chemin fermé (un lacet) sans boucle entourant z.
Les inégalités de Cauchy |
Dans la formule intégrale donnant les coefficients, en appelant M(R){displaystyle M(R)} le maximum du module de la fonction sur le disque de centre z et de rayon R, une majoration simple donne les importantes inégalités de Cauchy
|an|≤M(R)Rn.{displaystyle |a_{n}|leq {frac {M(R)}{R^{n}}}.}
Le théorème de Liouville |
Un résultat important sur les fonctions entières est le théorème de Liouville :
Théorème de Liouville — Si une fonction entière est bornée, alors elle est constante.
Une démonstration possible est l'application des inégalités de Cauchy en remarquant que M(R){displaystyle M(R)} est alors borné quel que soit R{displaystyle R}. Il suffit donc de faire tendre R{displaystyle R} vers l'infini pour avoir le résultat.
Cela peut être utilisé pour fournir une démonstration élégante, par l'absurde, du théorème de d'Alembert-Gauss :
Théorème de d'Alembert-Gauss — Tout polynôme de degré n admet exactement n racines complexes comptées avec leur multiplicité.
Le petit théorème de Picard renforce considérablement le théorème de Liouville
Petit théorème de Picard — Toute fonction entière non constante prend, sur le plan complexe, toutes les valeurs sauf une au plus.
Dans un certain sens, qui sera précisé plus tard, la théorie des fonctions entières tourne entièrement autour du petit théorème de Picard.
Propriétés algébriques |
- Une fonction holomorphe définie sur un domaine – c'est-à-dire un ouvert connexe – s'étend en une fonction entière si et seulement si le rayon de convergence de sa série de Taylor est infini en un point quelconque de son domaine.
- L'ensemble des fonctions entières est stable par composition et forme une sous-algèbre complexe de l'espace des fonctions continues du plan complexe dans lui-même.
Le point à l'infini |
Comme une fonction entière est constante si elle est bornée, et qu'elle ne peut avoir aucun autre point singulier que l'infini, le point à l'infini est un point singulier pour toute fonction entière non constante. Il ne peut s'agir que d'un pôle ou d'une singularité essentielle. Dans le premier cas (le pôle à l'infini), la fonction entière est un polynôme. Dans le second cas (singularité essentielle en l'infini), on dit que la fonction est transcendante.
Le principe des zéros isolés |
Soit f une fonction analytique dans un domaine U, s'annulant en a. Alors, ou f est identiquement nulle, ou il existe un disque D de centre a, pour lequel f(s) est non nul, quel que soit s dans D autre que a.
Ceci se déduit du principe du prolongement analytique.
Le théorème de l'image ouverte |
Si f est une fonction analytique non constante sur un ouvert U, alors f(U) est un ouvert.
On peut le démontrer à partir du principe des zéros isolés.
Le principe du maximum |
Soit f une fonction analytique non constante sur un domaine D. Du théorème de l'image ouverte on déduit immédiatement :
- le module de f ne possède pas de maximum local dans D (donc, si D est borné, le maximum de |f| se trouve sur la frontière de D) ;
si f ne s'annule pas sur D alors |f| ne possède pas non plus de minimum local dans D ;- la partie réelle de f ne possède dans D ni maximum local, ni minimum local.
On en déduit notamment le lemme de Schwarz.
Plus généralement, toute fonction sous-harmonique (comme |f| et, si f ne s'annule pas, 1/|f|) vérifie le principe du maximum, donc toute fonction harmonique (comme Re(f)) vérifie le principe du maximum et du minimum.
Les théorèmes de Phragmén-Lindelöf |
Le principe de Phragmén-Lindelöf (en) est une généralisation du principe du module maximum à des domaines non bornés.
La croissance des fonctions entières |
Le module maximum des fonctions entières |
Par définition, les fonctions entières ne présentent que le point à l'infini pour seule singularité. On pose
Mf(r)=max|z|=r|f(z)|.{displaystyle M_{f}(r)=max _{|z|=r}|f(z)|.}
Cette fonction est croissante, d'après le principe du maximum, et en corollaire du théorème de Liouville, elle n'est pas bornée pour les fonctions entières non constantes. Elle est appelée module maximum de la fonction f{displaystyle f}.
La fonction ln Mf(r){displaystyle M_{f}(r)} est une fonction convexe de ln r. (Hadamard)[1]
La fonction ln Mf(r){displaystyle M_{f}(r)} est continue et analytique par intervalles. (Blumenthal)[réf. souhaitée]
En conséquence de la convexité, ln Mf(r){displaystyle M_{f}(r)} admet une dérivée à droite et à gauche, et ces dérivées sont croissantes. Il existe une fonction v(t){displaystyle v(t)} croissante (mais pas nécessairement continue) telle que
lnM(r)=lnM(1)+∫1rv(u)duu.{displaystyle ln M(r)=ln M(1)+int _{1}^{r}{v(u){frac {du}{u}}}.}
Fonctions à croissance rapide |
Mf(r){displaystyle M_{f}(r)} peut croître arbitrairement vite avec r. Plus précisément, soit une fonction croissante g : [0, +∞[ → [0, +∞[. Il existe une fonction entière f telle que pour tout réel x, f(x) est réel et strictement supérieur à g(|x|), par exemple en choisissant f de la forme :
f(z)=c+∑k=1∞(zk)nk{displaystyle f(z)=c+sum _{k=1}^{infty }left({frac {z}{k}}right)^{n_{k}}},
où les nk forment une suite croissante d'entiers bien choisis ; on peut ainsi prendre c := g(2) et pour tout k ≥ 1, nk:=2⌈klng(k+2)⌉{displaystyle n_{k}:=2{big lceil }kln g(k+2){big rceil },}[réf. souhaitée].
Ce résultat est en fait un cas particulier du théorème d'approximation uniforme de Carleman (en)[2] : soit Q une fonction continue à valeurs complexes définie sur R, E : R → ]0, +∞[ une fonction continue ; il existe une fonction entière f telle que, pour tout x réel, on ait |f(x)−Q(x)|<E(x){displaystyle |f(x)-Q(x)|<E(x)}[3].
L'ordre des fonctions entières |
Si pour une certaine valeur λ{displaystyle lambda }, on a
lim infr→∞Mf(r)rλ=0{displaystyle liminf _{rrightarrow infty }{frac {M_{f}(r)}{r^{lambda }}}=0},
alors la fonction f est un polynôme de degré au plus égal à λ{displaystyle lambda }.
Lorsque l'égalité précédente n'a lieu pour aucune valeur de λ{displaystyle lambda }, on compare la croissance de Mf(r){displaystyle M_{f}(r)} à exp(rk){displaystyle exp(r^{k})}. Si l'on a, à partir d'une valeur r0{displaystyle r_{0}} de r{displaystyle r}, l'inégalité
Mf(r)<exp(rk),{displaystyle M_{f}(r)<exp(r^{k}),}
on dit que la fonction est d'ordre fini. L'ordre (supérieur) de croissance de f{displaystyle f} est donné par la formule
ρ=ρf=lim supr→∞lnlnMf(r)lnr.{displaystyle rho =rho _{f}=limsup _{rrightarrow infty }{frac {ln ln M_{f}(r)}{ln r}}.}
On distingue, parmi les fonctions entières de même ordre ρ{displaystyle rho }, les fonctions de type σf{displaystyle sigma _{f}} défini par la formule
σf=lim supr→∞lnMf(r)rρ.{displaystyle sigma _{f}=limsup _{rrightarrow infty }{frac {ln M_{f}(r)}{r^{rho }}}.}
Selon la valeur de σf{displaystyle sigma _{f}}, on distingue le type minimal (σf=0{displaystyle sigma _{f}=0}), normal (0<σf<∞{displaystyle 0<sigma _{f}<infty }) ou maximal (σf=∞{displaystyle sigma _{f}=infty }).
On montre les résultats suivants :
ρf+g≤max(ρf,ρg){displaystyle rho _{f+g}leq max(rho _{f},rho _{g})} ;
ρfg≤max(ρf,ρg){displaystyle rho _{fg}leq max(rho _{f},rho _{g})} ;
σf+g≤max(σf,σg){displaystyle sigma _{f+g}leq max(sigma _{f},sigma _{g})} ;
σfg≤σf+σg{displaystyle sigma _{fg}leq sigma _{f}+sigma _{g}}.
Exemples |
La fonction exp{displaystyle exp } est d'ordre 1 ainsi que les fonctions sin{displaystyle sin } et cos{displaystyle cos }.
La fonction de Mittag-Leffler
f(z)=∑n=0∞znΓ(1+nρ){displaystyle f(z)=sum _{n=0}^{infty }{frac {z^{n}}{Gamma left(1+{frac {n}{rho }}right)}}}
est d'ordre ρ{displaystyle rho }.
Il en est de même de la fonction de Lindelöf définie par
f(z)=∑n=0∞(zn1/ρ)n{displaystyle f(z)=sum _{n=0}^{infty }left({frac {z}{n^{1/rho }}}right)^{n}}.
Relation entre les coefficients et la croissance |
- Si la fonction entière est telle quef(z)=∑n≥0anzn{displaystyle f(z)=sum _{ngeq 0}a_{n}z^{n}}et queMf(r)<eArk{displaystyle M_{f}(r)<e^{Ar^{k}}} pour r{displaystyle r} suffisamment grand, alors on a |an|≤(eAkn)n/k{displaystyle |a_{n}|leq left({frac {eAk}{n}}right)^{n/k}} pour n{displaystyle n} suffisamment grand.
- Réciproquement, si l'on a|an|≤(eAkn)n/k{displaystyle |a_{n}|leq left({frac {eAk}{n}}right)^{n/k}}pour n{displaystyle n} suffisamment grand, alors, pour tout ϵ>0{displaystyle epsilon >0},Mf(r)<e(A+ϵ)rk{displaystyle M_{f}(r)<e^{(A+epsilon )r^{k}}} pour r{displaystyle r} suffisamment grand.
De ce résultat on déduit
L'ordre de la fonction entière est déterminé par la formule
ρf=lim supn→∞nlnnln1/|an|.{displaystyle rho _{f}=limsup _{nrightarrow infty }{frac {nln n}{ln 1/|a_{n}|}}.}
Le type de la fonction entière est déterminé par la formule[4]
σf=1ρelim supn→∞n|an|ρ/n.{displaystyle sigma _{f}={frac {1}{rho e}}limsup _{nrightarrow infty }n|a_{n}|^{rho /n}.}
Le lemme de Borel-Carathéodory |
On a vu que le maximum sur un cercle est en rapport avec les coefficients de la fonction développée en série entière. On peut se demander s'il en est de même, par exemple, avec seulement la partie réelle de la fonction. Ce lien est fourni de manière générale par le lemme de Borel-Carathéodory, qui donne de plus une estimation concernant les dérivées :
Soit f(z) une fonction analytique dans la boule fermée B(0,R) de centre 0 et de rayon R, et A(r) le maximum de sa partie réelle prise sur le cercle de rayon r.
Alors on a l'inégalité suivante, pour tout r compris dans ]0,R[ :
M(r)≤2rR−rA(R)+R+rR−r|f(0)|{displaystyle M(r)leq {frac {2r}{R-r}}A(R)+{frac {R+r}{R-r}}|f(0)|}
et, si A(R)≥0{displaystyle A(R)geq 0}
max|z|=r|f(n)(z)|≤2n+2n!R(R−r)n+1(A(R)+|f(0)|).{displaystyle max _{|z|=r}left|f^{(n)}(z)right|leq {frac {2^{n+2}n!R}{(R-r)^{n+1}}}(A(R)+|f(0)|).}
L'ordre de la dérivée d'une fonction entière |
La dérivée d'une fonction entière est obtenue par dérivation formelle de sa série entière. En appliquant la formule de Cauchy-Hadamard, on voit que la dérivée d'une fonction entière est elle-même entière. La question de l'ordre de la dérivée se pose donc naturellement. Le calcul de l'ordre par la formule précédemment donnée montre que
L'ordre de la dérivée d'une fonction entière est égal à l'ordre de cette fonction.
Et, comme une fonction entière est indéfiniment dérivable, il en est de même de toutes ses dérivées.
Ordre inférieur et ordre précisé L |
Pour comparer plus finement la croissance des fonctions entières, on est amené à regarder l'ordre inférieur de croissance, défini par la quantité
lim infr→∞lnlnMf(r)lnr.{displaystyle liminf _{rrightarrow infty }{frac {ln ln M_{f}(r)}{ln r}}.}
On montre que
L'ordre inférieur de la dérivée d'une fonction entière est égal à l'ordre inférieur de cette fonction.
Mais cela ne suffit pas. On montre l'existence, pour une fonction entière f{displaystyle f} d'ordre fini ρ{displaystyle rho }, d'une fonction ρ(r){displaystyle rho (r)} ayant les propriétés suivantes :
ρ(r){displaystyle rho (r)} est définie et continue, dérivable à droite et à gauche en chaque point ;
limr→∞ρ(r)=ρ{displaystyle lim _{rrightarrow infty }rho (r)=rho } ;
limr→∞ρ′(r)rlnr=0{displaystyle lim _{rrightarrow infty }rho '(r)rln r=0} ;
lim supr→∞lnMf(r)rρ(r)=1{displaystyle limsup _{rrightarrow infty }{frac {ln M_{f}(r)}{r^{rho (r)}}}=1}.
On a ainsi défini un ordre précisé L de f{displaystyle f}.
Les fonctions entières à croissance régulière |
Dans ses études sur les fonctions entières, Émile Borel a défini les fonctions entières à croissance régulière en supposant que l'ordre de la fonction entière est
ρ=limr→∞lnlnM(r)lnr.{displaystyle rho =lim _{rrightarrow infty }{frac {ln ln M(r)}{ln r}}.}
Il résulte de la définition que les ordres supérieur et inférieur sont égaux. C'est en ce sens que la fonction est à croissance régulière.
Une condition nécessaire et suffisante pour qu'une fonction entière d'ordre ρ{displaystyle rho } soit une fonction à croissance régulière est
|an|1/n<n−1/ρ+ϵ{displaystyle |a_{n}|^{1/n}<n^{-1/{rho +epsilon }}}
pour tout entier n{displaystyle n} assez grand et tout ϵ>0{displaystyle epsilon >0} et qu'il existe une suite d'entiers np{displaystyle n_{p}} telle que
limn→∞np+1np=1{displaystyle lim _{nrightarrow infty }{frac {n_{p+1}}{n_{p}}}=1}
et pour laquelle on a
|anp|1/np>np−1/ρ+ϵp{displaystyle |a_{n_{p}}|^{1/n_{p}}>n_{p}^{-1/{rho +epsilon _{p}}}}
avec
limn→∞ϵp=0.{displaystyle lim _{nrightarrow infty }epsilon _{p}=0.}
Factorisation des fonctions entières d'ordre fini |
Le théorème de factorisation de Weierstrass |
Weierstrass a montré que pour toute fonction entière f
d'ordre fini ρ{displaystyle rho } et s'annulant sur les nombres complexes an≠0{displaystyle a_{n}neq 0}, il existe un polynôme P(s){displaystyle P(s)} de degré inférieur ou égal à ρ{displaystyle rho }, et un entier m≤ρ{displaystyle mleq rho } tels que l'on ait
f(s)=spexp(P(s))∏n=1∞E(san,m).{displaystyle f(s)=s^{p}exp(P(s))prod _{n=1}^{infty }Eleft({frac {s}{a_{n}}},mright).},
avec E(u,m)=(1−u)eu+u2/2+…+um/m{displaystyle E(u,m)=(1-u)e^{u+u^{2}/2+ldots +u^{m}/m}}.
Le facteur sp{displaystyle s^{p}} correspond aux fonctions ayant un zéro d'ordre p en 0.
Estimations sur le produit canonique |
Le théorème de Boutroux-Cartan énonce un résultat fréquemment utilisé dans les recherches sur les fonctions entières. Le problème est d'estimer le produit P(z)=∏k=1n(z−zk){displaystyle P(z)=prod _{k=1}^{n}(z-z_{k})} en dehors du voisinage des zéros. On suppose que l'on connaît n{displaystyle n}.
Théorème de Boutroux-Cartan — Pour tout nombre H>0{displaystyle H>0}, on a |P(z)|>(He)n{displaystyle |P(z)|>left({frac {H}{e}}right)^{n}} en dehors d'au plus n{displaystyle n} cercles dont la somme des rayons est au plus 2H{displaystyle 2H}.
Le terme maximum de la série de Taylor |
Soit f(s)=∑n=0∞ansn{displaystyle f(s)=sum _{n=0}^{infty }a_{n}s^{n}} une fonction entière. La série
|a0|,|a1|r,|a2|r2,…{displaystyle |a_{0}|,|a_{1}|r,|a_{2}|r^{2},ldots } est une série décroissante à partir d'un certain rang et tendant vers 0, quel que soit r{displaystyle r}. Il y a donc, pour chaque r{displaystyle r} un terme supérieur ou égal à tous les autres. Soit B(r){displaystyle B(r)} la valeur de ce terme et soit μ(r){displaystyle mu (r)} le rang (le plus grand, s'ils sont plusieurs) de ce terme. B(r){displaystyle B(r)} est une fonction croissante de r{displaystyle r} qui tend vers l'infini. D'après l'inégalité de Cauchy, on a B(r)<M(r){displaystyle B(r)<M(r)}.
Le rang μ(r){displaystyle mu (r)} est une fonction non-décroissante de r{displaystyle r} qui tend vers l'infini avec r{displaystyle r}.
Entre les fonctions B(r){displaystyle B(r)}, M(r){displaystyle M(r)} et μ(r){displaystyle mu (r)} existe une double inégalité:
B(r)<M(r)<B(r)[2μ(r+rμ(r))+1]{displaystyle B(r)<M(r)<B(r)left[2mu left(r+{frac {r}{mu (r)}}right)+1right]}
et de cette double inégalité on déduit
Pour une fonction d'ordre fini, les fonctions lnB(r){displaystyle ln B(r)} et lnM(r){displaystyle ln M(r)} sont asymptotiquement égales.
On en déduit ensuite une relation sur μ(r){displaystyle mu (r)} :
Pour une fonction entière parfaitement régulière d'ordre fini ρ{displaystyle rho } et d'ordre précisé ρ(r){displaystyle rho (r)}, on a μ(r)≈ρrρ(r).{displaystyle mu (r)approx rho r^{rho (r)}.}
De manière générale, on a la formule
lnB(r)=lnB(r0)+∫r0rμ(u)udu.{displaystyle ln B(r)=ln B(r_{0})+int _{r_{0}}^{r}{frac {mu (u)}{u}}du.}
La distribution des valeurs des fonctions entières |
Image d'une fonction entière |
Le petit théorème de Picard dit qu'une fonction entière non constante prend toutes les valeurs complexes sauf une au plus. Des résultats plus précis (concernant le nombre d'antécédents de module borné d'un complexe donné) dépendent de la vitesse de croissance de la fonction.
Fonctions entières prenant des valeurs données |
Si l'on n'impose pas de restriction à la croissance de la fonction (comme on le verra plus loin), elle peut prendre des valeurs fixées arbitraires sur un ensemble U sans point d'accumulation (par exemple l'ensemble des entiers). Autrement dit, soit (an)n∈N{displaystyle (a_{n})_{nin {bf {N}}}} une suite injective de complexes n'ayant pas de valeur d'adhérence, et (zn)n∈N{displaystyle (z_{n})_{nin {bf {N}}}} une suite de valeurs complexes quelconques ; il existe une fonction entière f{displaystyle f} telle que pour tout n, f(an)=zn{displaystyle f(a_{n})=z_{n}}. Ce résultat, analogue au théorème d'interpolation de Lagrange, est une conséquence du théorème de factorisation de Weierstrass et du théorème de Mittag-Leffler[5]. De plus, la différence de deux telles fonctions est une fonction entière s'annulant sur U, à laquelle on peut appliquer les théorèmes des paragraphes suivants.
Les zéros des fonctions entières |
Soit une fonction f{displaystyle f} de la variable complexe définie par la série
f(s)=∑nfn(s),{displaystyle f(s)=sum _{n}f_{n}(s),}
la série des modules étant convergente. Si R est une région du plan complexe où la variation de l'argument de fn(s){displaystyle f_{n}(s)} est inférieure à π{displaystyle pi } lorsque n{displaystyle n} varie, la fonction f{displaystyle f} ne peut s'annuler qu'en dehors de cette région.
Par suite du théorème fondamental de l'algèbre, un polynôme de degré n admet n racines dans C{displaystyle mathbb {C} }. Donc, plus un polynôme admet de zéros, plus il croît rapidement.
Ceci est aussi le cas des fonctions entières mais d'une manière plus complexe. La relation entre la croissance des fonctions entières et la répartition de ses zéros constitue l'un des thèmes principaux de la théorie de ces fonctions.
La formule de Jensen et l'exposant de convergence des zéros |
Cette formule est fondamentale dans la suite de la théorie, même si elle n'intervient pas explicitement. On la démontre par exemple par l'emploi de la formule de Green.
On a, pour une fonction ayant des zéros aux points ak{displaystyle a_{k}}, ne présentant aucun pôle dans le disque r<ρ{displaystyle r<rho } et en posant x=reiφ{displaystyle x=re^{ivarphi }}
ln|f(reiφ)|=12π∫02πln|f(ρeiu)|(ρ2−r2)ρ2+r2−2rρcos(u−φ)du−∑kln|ρ2−ak¯xρ(x−ak)|{displaystyle ln |f(re^{ivarphi })|={frac {1}{2pi }}int _{0}^{2pi }ln |f(rho e^{iu})|{frac {(rho ^{2}-r^{2})}{rho ^{2}+r^{2}-2rrho cos(u-varphi )}}du-sum _{k}ln left|{frac {rho ^{2}-{bar {a_{k}}}x}{rho (x-a_{k})}}right|}.
Cette formule est la formule de Poisson-Jensen.
On en déduit la formule de Jensen :
Soit f une fonction analytique dans le disque |z|≤r{displaystyle |z|leq r} contenant les zéros a1,a2,…,an{displaystyle a_{1},a_{2},ldots ,a_{n}}. Alors
ln|f(0)|=−∑k=1nln(r|ak|)+12π∫02πln|f(reiθ)|dθ.{displaystyle ln |f(0)|=-sum _{k=1}^{n}ln left({frac {r}{|a_{k}|}}right)+{frac {1}{2pi }}int _{0}^{2pi }ln |f(re^{itheta })|dtheta .}
Cette formule permet de lier le nombre des zéros à la croissance de la fonction.
Soit f(s){displaystyle f(s)} une fonction entière ayant tous ses zéros ak{displaystyle a_{k}} dans le disque de rayon r{displaystyle r}. On appelle n(x){displaystyle n(x)} le nombre de zéros de modules inférieurs ou égaux à x{displaystyle x}.
On a alors
∑klnr|ak|=∫0rn(u)duu=W(r){displaystyle sum _{k}ln {frac {r}{|a_{k}|}}=int _{0}^{r}n(u){frac {du}{u}}=W(r)}
et ainsi, pour une fonction non nulle en 0, on trouve la forme suivante de la formule de Jensen :
W(r)+ln|f(0)|<lnM(r).{displaystyle W(r)+ln |f(0)|<ln M(r).}
Pour une fonction entière d'ordre ρ{displaystyle rho } fini, on voit que n(r)<rρ+ϵ{displaystyle n(r)<r^{rho +epsilon }}.
On en déduit que la série
∑k1|ak|τ{displaystyle sum _{k}{frac {1}{|a_{k}|^{tau }}}}
est convergente pour τ>ρ.{displaystyle tau >rho .}
On appelle ainsi ordre réel (Borel) ou exposant de convergence de la suite des zéros la valeur de τ{displaystyle tau } la plus petite pour laquelle la série converge. On en déduit donc ce théorème de Borel :
L'exposant de convergence de la suite des zéros est au plus égal à l'ordre.
Le genre |
On dit que la fonction entière f est de genre p, d'après Laguerre, lorsque l'on peut la mettre sous la forme
f(z)=eQ(z)P(z){displaystyle f(z)=e^{Q(z)}P(z)} ou f(z)=zseQ(z)∏n=1∞(1−zan)ezan+…+zppanp{displaystyle f(z)=z^{s}e^{Q(z)}prod _{n=1}^{infty }left(1-{frac {z}{a_{n}}}right)e^{{frac {z}{a_{n}}}+ldots +{frac {z^{p}}{pa_{n}^{p}}}}}
sans que cette décomposition puisse se faire pour p – 1, où Q est un polynôme de degré p au plus, P, un polynôme quelconque et le produit infini le produit de Weierstrass.
Le plus petit entier qui majore l'exposant de convergence est aussi le genre de la fonction.
Le genre se détermine par la formule de Laguerre :
Une fonction entière f{displaystyle f} est de genre n{displaystyle n} si et seulement si snf′(s)f(s){displaystyle s^{n}{frac {f'(s)}{f(s)}}} tend vers 0 uniformément quand |s|{displaystyle |s|} tend vers l'infini.
On ne saurait être trop prudent avec la notion de genre. Lindelöf a montré que la fonction
f(z)=∏n=2∞(1+zn(lnn)α){displaystyle f(z)=prod _{n=2}^{infty }left(1+{frac {z}{n(ln n)^{alpha }}}right)}
où 1<α<2{displaystyle 1<alpha <2} est d'ordre 1, et de genre 0 mais f(z)−1{displaystyle f(z)-1} est de genre 1. De même, f(z)+f(−z){displaystyle f(z)+f(-z)} est de genre 1 mais f ′(z){displaystyle f '(z)} est de genre 0.
Valiron a montré cependant le théorème suivant :
Si f est une fonction de genre n, les fonctions f – a sont de genre n également sauf pour une valeur de a au plus.
Un théorème de Laguerre |
Dans ses investigations sur les fonctions entières à la suite du mémoire fondateur de Weierstrass, Laguerre démontra que
Si une fonction entière f admet des zéros tous réels, il en est de même de sa dérivée pourvu que le genre de f soit égal à 0 ou à 1.
Le lien entre la croissance et la distribution des zéros |
Le résultat le plus profond est le petit théorème de Picard qu'on énonce ainsi
Toute fonction entière non constante prend toutes les valeurs complexes sauf une au plus.
La valeur non prise éventuelle est appelée valeur exceptionnelle de Picard.
Soit une fonction d'ordre fini ρ{displaystyle rho }, d'ordre précisé Lρ(r){displaystyle rho (r)} et n(r){displaystyle n(r)} le nombre des zéros de module inférieur ou égal à r{displaystyle r}. On a l'inégalité
n(r)<(1+o(1))ρerρ(r).{displaystyle n(r)<left(1+o(1)right)rho er^{rho (r)}.}
Les fonctions entières d'ordre non-entier |
Dans le cas des fonctions entières d'ordre non entier, celles-ci n'admettent aucune valeur exceptionnelle au sens du théorème de Picard. Ces fonctions ont donc une infinité de solutions à l'équation f(s)=x{displaystyle f(s)=x}, quelle que soit la valeur de x{displaystyle x} et en particulier
Toute fonction entière d'ordre non entier admet une infinité de zéros.
Les fonctions entières d'ordre entier |
Si l'ordre est entier, le cas d'exception du théorème de Picard est possible. Dans ce cas, on a la précision suivante apportée par Émile Borel :
Le nombre n(x,r){displaystyle n(x,r)} des racines de l'équation f(s)=x{displaystyle f(s)=x} de module inférieur à r{displaystyle r} ne peut être d'un ordre de grandeur inférieur à lnM(r){displaystyle ln M(r)} que pour une seule valeur de x{displaystyle x} au plus.
On montre qu'il existe des fonctions entières d'ordre entier n'ayant qu'un nombre fini de zéros et qui ne se réduisent pas à un polynôme. Mais cela ne peut être le cas des fonctions entières paires dont l'ordre est un entier impair.
Les fonctions entières et les angles |
Une fonction entière d'ordre ρ>1/2{displaystyle rho >1/2} est d'ordre ρ{displaystyle rho } dans tout angle de mesure supérieure à π(2−1/ρ){displaystyle pi (2-1/rho )}.
Les cercles de remplissage |
Le mathématicien français Milloux, dans sa thèse soutenue en 1924, a défini des cercles particuliers, appelés par lui cercles de remplissages et dont le rayon augmente indéfiniment, dans lesquels la fonction entière prend toutes les valeurs en dessous d'un nombre A(r) tendant vers l'infini avec r sauf peut-être dans un cercle dont le rayon tend vers 0 avec 1/r. Il a démontré le résultat suivant :
Soit f(z) une fonction entière et ϵ>0{displaystyle epsilon >0} une quantité aussi petite qu'on veut et inférieure à 1. On pose A(r)=(lnM(r))1−ϵ{displaystyle A(r)=(ln M(r))^{1-epsilon }} et q(r)=ϵ6lnlnM(r){displaystyle q(r)={frac {epsilon }{6}}ln ln M(r)}. On suppose que r est suffisamment grand pour que lnlnM(r){displaystyle ln ln M(r)} dépasse 343/ϵ{displaystyle 343/epsilon }. Alors f(z) vérifie l'une des deux propriétés suivantes :
- Dans la couronne circulaire d'épaisseur πrq(r){displaystyle {frac {pi r}{q(r)}}}, dont la circonférence médiane est la circonférence |z|=r{displaystyle |z|=r}, on a l'inégalité
ln|f(z)|>A(r){displaystyle ln |f(z)|>A(r)} ;
- Il existe au moins un cercle C(r), appelé cercle de remplissage, dont le centre est sur le circonférence |z|=r{displaystyle |z|=r} et de rayon 8πrq(r){displaystyle {frac {8pi r}{q(r)}}} dans lequel la fonction f(z) prend toutes les valeurs inférieures en module à A(r), sauf peut-être dans un voisinage d'une valeur a(r), ce voisinage étant inclus dans le cercle de centre a(r) et de rayon 2/A(r).
Les cercles de remplissage sont utiles pour préciser les solutions de l'équation f(z)=a.
Les valeurs asymptotiques |
On peut se demander si une fonction entière non constante peut, dans certaines régions, avoir une valeur asymptotique finie ou si elles ont toujours une limite finie. On sait qu'elles ne peuvent pas avoir de valeurs asymptotiques finies dans toutes les directions par suite du théorème de Liouville.
On dit que f admet la valeur asymptotique a s'il existe un chemin, appelé chemin de détermination a pour lequel f(s) tend vers a quand s tend vers l'infini en restant sur le chemin.
Donc pour toute fonction entière non constante, il existe au moins un chemin de détermination ∞{displaystyle infty }.
Pour une fonction d'ordre inférieur à 1/2, il existe une infinité de cercles de centre l'origine et de rayon indéfiniment croissant sur lesquels le module minimum tend vers l'infini. Il n'existe donc pas de valeur asymptotique finie pour les fonctions entières d'ordre inférieur à 1/2.
En fait, Wiman a montré le théorème suivant :
Pour une fonction f{displaystyle f} d'ordre ρ<1/2{displaystyle rho <1/2} et d'ordre précisé L ρ(r){displaystyle rho (r)}, on a, pour tout ϵ>0{displaystyle epsilon >0}, l'inégalité
ln|f(s)|>(cos(πρ)−ϵ)rρ(r){displaystyle ln |f(s)|>(cos(pi rho )-epsilon )r^{rho (r)}}sur une infinité de cercles de rayons tendant vers l'infini.
On a donc sur ces cercles
ln|f(s)|>(cos(πρ)−ϵ)lnM(r).{displaystyle ln |f(s)|>(cos(pi rho )-epsilon )ln M(r).}
Supposons maintenant qu'une fonction entière possède deux chemins de déterminations a et b. Alors, dans le domaine défini entre les deux chemins de détermination soit il existe un chemin de détermination ∞{displaystyle infty }, soit les valeurs a et b sont égales et tout chemin vers l'infini inclus entre les deux chemins de détermination est un chemin de détermination a (= b).
La conjecture de Denjoy |
Il a été conjecturé par Denjoy qu'une fonction entière d'ordre fini ρ{displaystyle rho } a au plus 2ρ{displaystyle 2rho } valeurs asymptotiques. Cette conjecture est devenue le théorème de Ahlfors (en).
Il ne peut ainsi y avoir qu'au plus ρ{displaystyle rho } lignes droites allant de 0 à l'infini et menant à des valeurs asymptotiques différentes. De ce fait, l'angle entre deux telles lignes est au moins π/ρ{displaystyle pi /rho }.
La fonction indicatrice de Phragmén-Lindelöf |
La définition de l'ordre ρ{displaystyle rho } d'une fonction entière d'ordre fini et les théorèmes de Phragmén-Lindelöf suggèrent l'intérêt qu'il y aurait à étudier la fonction
h(θ)=lim supr→∞ln|f(reiθ)|rρ{displaystyle h(theta )=limsup _{rto infty }{frac {ln left|f(re^{itheta })right|}{r^{rho }}}}
en fonction de θ∈[−π,π]{displaystyle theta in [-pi ,pi ]} puisque la croissance sur une demi-ligne se répercute sur les lignes voisines.
Par définition, h(θ){displaystyle h(theta )} est l'indicatrice de de Phragmén-Lindelöf. C'est une fonction périodique de période 2π{displaystyle 2pi } qui peut prendre des valeurs réelles, mais peut être −∞{displaystyle -infty } ou +∞{displaystyle +infty }.
On a alors :
Soit f{displaystyle f} une fonction entière d'ordre ρ{displaystyle rho } et d'indicatrice h(θ){displaystyle h(theta )}. Si h{displaystyle h} est finie dans l'intervalle [a,b]{displaystyle [a,b]} alors, quel que soit ϵ>0{displaystyle epsilon >0}, il existe r0=r0(ϵ){displaystyle r_{0}=r_{0}(epsilon )} tel que pour tout r>r0{displaystyle r>r_{0}}, on ait
ln|f(reiθ)|<rρ(h(θ)+ϵ){displaystyle ln left|f(re^{itheta })right|<r^{rho }left(h(theta )+epsilon right)}
uniformément dans tout sous-intervalle de ]a,b[{displaystyle ]a,b[}.
dont on déduit :
Sous les conditions du théorème précédent, tout sous-intervalle dans lequel h(θ)>0{displaystyle h(theta )>0} est de longueur supérieure à π/ρ{displaystyle pi /rho }. Tout sous-intervalle dans lequel h(θ)<0{displaystyle h(theta )<0} est de longueur inférieure ou égale à π/ρ{displaystyle pi /rho }. De plus tout sous-intervalle où h(θ)<0{displaystyle h(theta )<0} est suivi d'un point où h(θ)=0{displaystyle h(theta )=0} et d'un intervalle où h(θ)>0{displaystyle h(theta )>0}.
Le théorème de Carlson |
On peut se demander s'il existe des conditions assurant qu'une fonction entière soit définie de manière unique par les valeurs qu'elle prend sur un ensemble dénombrable. Posé de cette manière, sans restriction sur l'ensemble, il semble que la réponse soit négative a priori. En fait, il n'en est rien et dans ce genre de question, le résultat de Carlson est à l'origine de tout un pan de recherche. On peut l'exprimer de la manière suivante :
Soit f{displaystyle f} une fonction entière d'ordre 1 et de type σf<π{displaystyle sigma _{f}<pi }. La fonction f{displaystyle f} est entièrement déterminée par les valeurs f(n){displaystyle f(n)}, pour n=1,2,…{displaystyle n=1,2,dots }. De plus, si le type est strictement inférieur à ln2{displaystyle ln 2}, alors
f(z)=∑n=0∞z(z−1)…(z−n+1)n!(Δnf)(0).{displaystyle f(z)=sum _{n=0}^{infty }{{frac {z(z-1)ldots (z-n+1)}{n!}}(Delta ^{n}f)(0)}.}
Sa démonstration utilise l'indicatrice de Phragmén-Lindelöf.
Le théorème de Pólya |
Les valeurs entières prises sur un ensemble par une fonction entière imposent des restrictions sur sa croissance. Pólya, en 1915[6], a par exemple démontré le théorème suivant
Soit f{displaystyle f} une fonction entière prenant des valeurs entières sur l'ensemble des entiers non négatifs.
Si
lim supr→∞Mf(r)2r<1{displaystyle limsup _{rrightarrow infty }{frac {M_{f}(r)}{2^{r}}}<1}
alors f{displaystyle f} est un polynôme.
Autrement dit, la plus petite (au sens de la croissance) fonction entière non polynomiale qui prend des valeurs entières sur les entiers naturels est la fonction 2s.{displaystyle 2^{s}.}
Ces résultats ont été généralisés aux fonctions entières prenant des valeurs entières sur une suite géométrique…
La théorie des fonctions entières d'ordre infini de Kraft-Blumenthal |
Une fonction entière est d'ordre infini lorsqu'elle n'est pas d'ordre fini.
Il avait été remarqué très tôt par Emile Borel que, dans le cas des fonctions entières d'ordre fini ρ{displaystyle rho }, s'il existait une infinité de cercles de rayon r sur lesquels la croissance était de l'ordre de exp(rρ){displaystyle exp(r^{rho })}, il était possible que la croissance soit d'un ordre sensiblement inférieur sur une infinité d'autres cercles. Ces fonctions sont dites à croissance irrégulière. Le même phénomène existe pour les fonctions d'ordre infini.
La théorie repose sur l'existence de fonctions types et sur la définition de l'ordre ρ=ρ(r){displaystyle rho =rho (r)} selon la formule
M(r)=max|z|=r|f(z)|=erρ(r){displaystyle M(r)=max _{|z|=r}|f(z)|=e^{r^{rho (r)}}}
La théorie des fonctions entières d'ordre 0 |
Applications de la théorie des fonctions entières |
La théorie des fonctions entière permet, par le théorème de Liouville, de démontrer de manière simple et élégante le théorème fondamental de l'algèbre.
Cette théorie apparaît aussi dans la démonstration de l'existence d'une infinité de zéros de la fonction zêta de Riemann dans la bande 0<ℜe(z)<1{displaystyle 0<Re {e}(z)<1} par la propriété que les fonctions entières d'ordre non entier ont une infinité de zéros.
La théorie permet aussi l'étude des fonctions méromorphes comme quotients de deux fonctions entières. Les fonctions méromorphes apparaissant naturellement dans nombre de problèmes d'équations différentielles.
Ces méthodes restent aussi une source d'inspiration importante pour l'étude des fonctions analytiques plus compliquées, avec plusieurs variables…
Bibliographie |
- Barnes, A memoir on integral functions, philosophical transactions of the royal society of London, série A, Volume 199, 1902, p. 411-500
- (en) Ralph Philip Boas, Entire Functions, Dover, 1954(lire en ligne)
- Borel, les fonctions entières, Gauthier-Villars, 1928 (deuxième édition)
- Blumenthal, Les fonctions entières d'ordre infini, Cahiers scientifiques, 1914
- Levin, Lectures on entire functions, AMS, 1996
- Nevanlinna, Le théorème de Picard-Borel et la théorie des fonctions méromorphes, Monographies sur la théorie des fonctions, Gauthier-Villars, 1929
- Valiron, Fonctions convexes et fonctions entières, Bulletin de la SMF, T60, 1932
- Valiron, Les fonctions entières d'ordre nul et d'ordre fini, thèse, 1914
- Valiron, Fonctions entières d'ordre fini et fonctions méromorphes,
- Valiron, Lectures on the general theory of integral functions, Chelsea Publishing, 1949
- Valiron, Fonctions entières et fonctions méromorphes d'une variable, mémorial des sciences mathématiques, Gauthier-Villars, 1925.
Notes et références |
Jacques Hadamard, « Étude sur les propriétés des fonctions entières et en particulier sur une fonction considérée par Riemann », Journal de mathématiques pures et appliquées, t. 9, 1892.
Torsten Carleman, Sur un théorème de Weierstrass.
Voir, par exemple, Wilfred Kaplan (en), Approximation par des fonctions entières (en).
Boas 1954, p. 11.
Walter Rudin, Analyse réelle et complexe [détail des éditions], th. 15.15, p. 286-287.
(de) Georg Pólya, « Über ganzwertige ganze Funktionen », Rendiconti del Circolo Matematico di Palermo, t. 40, 1915, p. 1-16. Consultation payante en ligne.
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