Ishtar





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Inanna













































Ishtar / Inanna

Plaque en terre cuite représentant la déesse Ishtar. Eshnunna, c. 1800 av. J.-C.
Plaque en terre cuite représentant la déesse Ishtar. Eshnunna, c. 1800 av. J.-C.
Caractéristiques
Autre(s) nom(s)
Inanna, Eshtar
Fonction principale
Déesse de l'amour, du ciel et de la guerre
Équivalent(s) par syncrétisme

Astarté, Athtart, Shaushka, Aphrodite+Athéna, Vénus Victrix
Culte
Région de culte

Mésopotamie, Syrie, Anatolie
Temple(s)

Uruk, Ninive, Arbèles, Mari, Nippur, Akkad, Babylone
Symboles
Animal
Lion
Astre
Étoile du matin (Vénus)
Nombre
15

Ishtar (parfois Eshtar) est une déesse mésopotamienne d'origine sémitique, vénérée chez les Akkadiens, Babyloniens et Assyriens, et correspondant à la déesse de la mythologie sumérienne Inanna avec qui elle est confondue, une même déesse se trouvant manifestement derrière ces deux noms. Elle est considérée comme symbole de la femme, une divinité astrale associée à la planète Vénus, une déesse de l'amour et de la guerre, et souvent une divinité souveraine dont l'appui est nécessaire pour régner sur un royaume.


Tout au long de plus de trois millénaires d'histoire sumérienne puis mésopotamienne, elle a été l'une des divinités les plus importantes de cette région, et a également été adoptée dans plusieurs pays voisins, où elle a pu être assimilée à des déesses locales. Elle a également repris par syncrétisme les aspects de différentes déesses mésopotamiennes, et a été vénérée dans plusieurs grands centres religieux, prenant parfois des traits variés selon la localité où son culte se trouvait. Pour cela, elle illustre bien la complexité des conceptions, des pratiques et des échanges religieux dans le Proche-Orient ancien, et beaucoup de ses aspects sont et resteront un sujet de discussion.




Sommaire






  • 1 Traits généraux


    • 1.1 Noms


    • 1.2 Fonctions


    • 1.3 Généalogie et entourage divins


    • 1.4 Symboles




  • 2 Histoire : l'affirmation de la principale déesse de la Mésopotamie


    • 2.1 La rencontre d'Inanna et d'Ishtar


    • 2.2 La suprématie d'Inanna/Ishtar en Mésopotamie


    • 2.3 Ishtar et les autres déesses du Proche-Orient antique




  • 3 Une déesse à la personnalité riche et complexe


    • 3.1 Vénus : une divinité astrale


    • 3.2 La déesse de l'amour et de la sexualité


    • 3.3 Une déesse guerrière et virile


    • 3.4 Une faiseuse de rois


    • 3.5 Contradictions, perturbations et altérité




  • 4 Inanna/Ishtar dans les œuvres littéraires


    • 4.1 Littérature mythologique


    • 4.2 Littérature épique


    • 4.3 Hymnes et prières




  • 5 Sanctuaires et cultes d'Inanna/Ishtar


    • 5.1 Uruk


    • 5.2 Akkad


    • 5.3 Ninive


    • 5.4 Arbèles


    • 5.5 Babylone




  • 6 Postérité


  • 7 Références


  • 8 Bibliographie


    • 8.1 Sources


    • 8.2 Synthèses sur Inanna/Ishtar


    • 8.3 Autres études sur la religion mésopotamienne




  • 9 Voir aussi


    • 9.1 Articles connexes







Traits généraux |




Représentation d'Ishtar portant un arc et associée au symbole de l'étoile, stèle de Shamash-res-usur, gouverneur assyrien, VIIIe siècle av. J.-C. Musée de l'Orient ancien d'Istanbul.



Noms |


Le nom le plus courant de la déesse en sumérien est Inanna (aussi transcrit Inana). Mais on trouve aussi Inin ou Ininna. En akkadien, Ishtar est le plus répandu[1], mais on trouvait des variantes en Haute-Mésopotamie, notamment Ashtar, Eshtar puis Issar à l'époque néo-assyrienne.


Il est en fait assez souvent difficile de connaître la prononciation exacte de son nom, car les signes phonétiques cunéiformes peuvent renvoyer à plusieurs sons voisins (en particulier plusieurs voyelles possibles pour un même signe syllabique), mais surtout parce que le nom de la déesse est souvent noté par un idéogramme, que les assyriologues désignent par convention comme MÙŠ, qui n'indique donc pas de prononciation[2].



Fonctions |


On reconnaît en général trois aspects principaux Inanna/Ishtar : c'est la déesse de l'amour et de la sexualité, c'est une déesse guerrière, et c'est une divinité astrale, la planète Vénus[3]. En tant que déesse majeure du panthéon mésopotamien, elle joue également souvent le rôle de divinité souveraine, octroyant la royauté. Un autre trait saillant de sa « personnalité », plus complexe à cerner, est d'avoir la faculté d'associer les opposés et même de provoquer leur inversion, de briser les interdits[4]. Plus largement, son rôle symbolique, avec son affirmation en tant que principale déesse de la Mésopotamie (et même la déesse par excellence, son nom ayant revêtu avec le temps le sens de « déesse »), est d'être une femme, d'incarner l'image d'un féminin souvent libre de toute tutelle masculine, donc l'inverse de la norme dans une société patriarcale[5].



Généalogie et entourage divins |


Il n'y a pas eu de tradition figée sur les relations familiales d'Inanna/Ishtar, qui ont donc pu varier selon les lieux et les époques. Suivant une tradition probablement originaire d'Uruk, elle est la fille du dieu céleste An/Anu, autre divinité tutélaire de la ville. Une autre tradition sumérienne importante en fait la fille du dieu-lune, Nanna/Sîn, et elle avait alors pour frère le dieu-soleil Utu/Shamash et pour sœur la déesse infernale Ereshkigal. Mais dans d'autres cas encore elle est présentée comme la fille d'Enlil ou comme celle d'Enki/Ea. Elle n'est pas non plus associée à un époux divin unique : certes dans la tradition sumérienne sa relation avec Dumuzi est forte, mais leur relation est ambigüe puisque la déesse est à l'origine de sa mort[6]. Elle peut être parfois présentée comme l'amante ou même l'épouse d'autres dieux, par exemple An/Anu[7]. Certains textes lui attribuent des enfants, en général sans dire qui en est le père : la déesse Nanaya et les dieux Lulal, Latarak et Shara[8]. Nanaya (ou Nanâ) est couramment associée dans le culte à Inanna/Ishtar, devenant en quelque sorte un dédoublement de sa fonction de déesse de l'amour[9]. Dans la mythologie, elle dispose également d'un vizir, le dieu Ninshubur[6].



Symboles |


Inanna/Ishtar a pour animal-attribut le lion. Son symbole le plus courant est une étoile ou une étoile inscrite dans un disque, symbolisant son rôle de divinité astrale[10]. Son nombre était le 15, ce qui correspond à la moitié du nombre 30 attribué à son père Nanna/Sîn (soit le nombre de jours dans un mois lunaire « idéal »)[2].



Histoire : l'affirmation de la principale déesse de la Mésopotamie |


L'histoire de la déesse Inanna/Ishtar, particulièrement riche et complexe, détermine manifestement sa personnalité qui l'est tout autant. C'est probablement une figure née de la réunion de plusieurs déesses par syncrétisme, sans que pour autant la personnalité de toutes ses composantes ne constituent forcément un tout cohérent. Plusieurs problématiques relatives à son histoire et à la formation de sa personnalité complexe se posent, auxquelles aucune réponse claire n'a été apportée : quels sont les apports respectifs de sa composante sumérienne, Inanna, et de sa composante sémitique, Ishtar, et comment ont-elles été réunies ; comment la déesse s'est retrouvée à une place importante dans de nombreux panthéons, en assimilant d'autres déesses sans doute présentes antérieurement, au point de devenir la seule figure féminine majeure des panthéons mésopotamiens, existant pour elle-même sans avoir un compagnon masculin important ; comment cette histoire complexe a produit la personnalité riche de la déesse. Par suite, elle a également été adoptée par les peuples voisins de la Mésopotamie, suivant des modalités similaires.



La rencontre d'Inanna et d'Ishtar |




Le vase d'Uruk : registre figurant des offrandes destinées à Inanna, symbolisée ici par les mâts recourbés en roseau (la représentation de la déesse sous forme humaine se trouve directement à gauche sur le même registre). Fin du IVe millénaire av. J.‑C. Pergamon Museum.


L'origine de la déesse Inanna/Ishtar est impossible à déterminer avec certitude car elle se produit à des époques pour lesquelles la documentation écrite est absente, et la documentation archéologique trop limitée pour bien connaître l'univers religieux. Elle se produit dans le contexte culturel spécifique des régions méridionales de la Mésopotamie du IVe millénaire av. J.‑C. et du début du IIIe millénaire av. J.‑C., qui voient coexister deux principaux groupes parlant des langues sans parenté, le sumérien, un isolat linguistique dominant au Sud, et l'akkadien, une langue sémitique dominante au Nord (les peuples sémitiques étant par ailleurs implantés dans le Nord Mésopotamien et en Syrie). Bien qu'il y ait des différences culturelles entre les deux groupes, ils évoluent en symbiose depuis longtemps et de nombreux échanges culturels ont eu lieu entre eux, avec une prééminence pour l'élément sumérien. L'histoire d'Inanna/Ishtar est marquée par la rencontre de ces deux peuples : Inanna est une déesse du pays de Sumer, tandis qu'Ishtar est d'origine sémitique.


En sumérien, Inanna était interprété comme dérivant de nin.an.a(k), « Dame du Ciel » ou « Reine du Ciel ». Mais rien ne démontre qu'il s'agisse bien de l'origine du nom. Th. Jacobsen avait proposé que le nom signifie en fait « Dame des grappes de dattes », dans une interprétation naturaliste de la religion originelle de Sumer, proposition qui n'a pas vraiment rencontré d'écho[11],[12]. Inanna est en particulier la déesse tutélaire de la ville d'Uruk, qui est la plus importante du pays de Sumer à ces époques, et dont le rayonnement s'est étendu sur les régions voisines. C'est dans ce contexte qu'elle apparaît pour la première fois, dans les textes les plus anciens connus, datés de la fin du IVe millénaire av. J.‑C., et c'est d'ailleurs la plus ancienne divinité sumérienne clairement attestée[13]. Elle a déjà manifestement un aspect astral, lié à la planète Vénus, et semble être une déesse liée à la fertilité en même temps que celle octroyant la royauté à Uruk, peut-être dans une variante ancienne du thème du « Mariage sacré » entre le roi et la déesse, si on suit l'interprétation du vase d'Uruk qui veut qu'il représente les offrandes que lui fait le souverain d'Uruk[14].


Le nom Ishtar (peut-être plutôt Ashtar ou Eshtar à l'origine) a quant à lui assurément une origine sémitique, qui pourrait provenir de la racine ʾṭr « être riche », mais cela reste sujet à débat[11],[12]. La forme originelle du nom semble masculine ou neutre (ʿaṯtar, ʿaštar), et sa forme féminine a donné en pays ouest-sémitique (Ugarit, Phénicie) le nom du pendant local d'Ishtar, Astarté[11]. Un équivalent de ces déesses apparaît d'ailleurs sous le nom Aštar dans les textes archaïques du royaume syrien d'Ebla, au XXIVe siècle av. J.-C. Il s'agit là encore d'une déesse vue comme une manifestation de la planète Vénus. Il est couramment considéré que l'aspect guerrier est un attribut de la sémitique Ishtar, puisqu'il est surtout affirmé à partir du moment où une dynastie d'origine sémitique prend le pouvoir, la dynastie d'Akkad, au XXIVe siècle av. J.-C., avec l'apparition de la figure Ishtar-Annunītum (« Ishtar de la bataille »). Mais les modalités de la rencontre et surtout de l'assimilation de ces deux déesses pour lesquelles on postule des fonctions bien différentes n'est pas sans poser problème, d'autant plus que dès les premiers temps il semble bien y avoir eu plusieurs variantes des déesses Inanna et Ishtar, ce qui rend tout scénario simplificateur peu probable[15]. Ainsi, il semblerait qu'il ait existé une troisième déesse, nommée Inin ou Innina, d'origine sémitique et selon toute vraisemblance distincte d'Inanna[16], qui serait plus précisément liée à l'aspect martial (son nom dériverait de la racine signifiant « bataille »), qui réapparaîtrait postérieurement avec l'épithète Annunītum (issu de la même racine)[17].


Il y a manifestement un ensemble de déesses similaires dont l'origine remonte à des temps pré-historiques qui ne peuvent être approchés par la recherche, ayant potentiellement une origine commune, mais qui sont dès les débuts de l'époque historique éclatées en une myriade de manifestations locales d'Inanna/Ishtar, dont chacune semblerait présenter des aspects propres qui l'individualisent par rapport aux autres, même si cela transparaît rarement de façon claire dans la théologie. Cela n'a pas empêché dès la même époque l'émergence d'une déesse Inanna/Ishtar sans assise locale, qui apparaît assurément dans la littérature religieuse comme une figure unique, à la personnalité certes complexe mais pas forcément sans cohérence, qui aurait alors assimilé les traits de plusieurs de ces déesses. Pour T. Abusch, favorable à l'idée selon laquelle cette déesse serait le produit de la réunion de plusieurs déesses aux aspects similaires, elle aurait été à l'origine une figure mêlant une vaste gamme de pouvoirs liés à la fertilité et à la mort, dont la personnalité aurait évolué pour devenir une divinité des polarités, réunissant en elle d'autres couples d'opposés (amour et guerre, ordre et désordre, normes et subversions, etc.)[18]. Pour d'autres (G. Selz et J. Goodnick Westenholz notamment), l'assimilation de la déesse à la planète Vénus serait son aspect le plus important, qui expliquerait l'agrégation des caractères de différentes déesses dont le seul point commun serait le lien avec cet astre. De plus, l'aspect bipolaire de la divinité découlerait du mouvement de cet astre, qui apparaît deux fois dans le ciel, le matin et le soir. Inanna/Ishtar serait ainsi avant tout la « Dame du Ciel », une déesse ayant notamment la faculté de réunir ce qui s'oppose[19],[20].



La suprématie d'Inanna/Ishtar en Mésopotamie |




Objets de culte (encensoirs, autels en forme de maison, statuettes) mis au jour dans les niveaux archaïques du temple d'Ishtar à Assur, milieu du IIIe millénaire av. J.‑C. Pergamon Museum.





Sceau-cylindre avec empreinte représentant une scène de présentation d'un fidèle devant Ishtar, période paléo-babylonienne (XVIIIe – XVIIe siècle av. J.-C.). Metropolitan Museum of Art.


Quelles que soient ses origines, Inanna/Ishtar est, dès les périodes archaïques, les premières à pouvoir offrir un panorama d'ensemble du monde religieux mésopotamien, la principale déesse de la Mésopotamie. Cela pourrait résulter du rayonnement d'Uruk à la fin du IVe millénaire av. J.‑C., qui aurait progressivement incité à identifier les principales déesses locales à la déesse de cette cité[21]. Il est possible qu'à cette période Inanna d'Uruk ait été la destinataire d'un culte commun à toutes les divinités du pays de Sumer[22]. Inanna apparaît en tout cas dès le milieu du IIIe millénaire av. J.‑C. dans les listes divines parmi les principales divinités de Sumer : en sixième position dans celle d'Abu Salabikh, et en troisième position (après Anu et Enlil) dans celle de Shuruppak. Inanna/Ishtar dispose en tout cas de plusieurs lieux de culte dans le Sud et le Nord, et est déjà la déesse tutélaire de plusieurs villes majeures : Uruk, mais aussi Kish, la principale entité politique du pays de langue akkadienne, Zabalam ; elle est importante dans les grandes cités de Lagash et Nippur. Elle est une divinité majeure à Akkad et en quelque sorte la divinité tutélaire de la dynastie de l'empire d'Akkad, et occupe sans doute déjà la même position à Ninive et Assur ainsi qu'à Mari où son temple a livré un matériel archéologique impressionnant. Dans la théologie, elle apparaît souvent avec le statut de pourvoyeuse de la royauté[23]. Inanna occupe également une place prééminente dans la mythologie à partir du moment où elle commence à être mise par écrit (la fin du IIIe millénaire av. J.‑C.), à l'égal des grands dieux masculins (Enlil, Enki, Ninurta).




Vase en pierre inscrit, dédié à Inanna de Zabalam sous le règne de Rîm-Sîn de Larsa (1822-1763 av. J.-C.). Musée de l'Oriental Institute de Chicago.


La suprématie d'Ishtar s'affirme dans les siècles suivants. Au début du IIe millénaire av. J.‑C., son nom akkadien sert pour former un terme synonyme de « déesse », ištaru (pl. ištarātu) ou ištartu[24]. Ishtar est donc non seulement la principale déesse de Mésopotamie, mais elle est devenue la déesse mésopotamienne par excellence, occultant la plupart des autres figures féminines du panthéon, qui sont parfois présentées comme des manifestations d'Inanna/Ishtar[25],[8]. Cette concentration contraste avec le fait que les autres grandes déesses du panthéon sumérien (Ninhursag, Nisaba, Namma, Ereshkigal, etc.) voyaient leur rôle décliner[26], Ishtar, celle qui était déjà la plus importante, restant la seule figure féminine des panthéons mésopotamiens à occuper un rôle de premier plan (avec, dans une moindre mesure, la déesse-guérisseuse Gula), et devenant l'incarnation de la déesse voire de la femme dans la tradition mythologique mésopotamienne à partir de cette période. Au XVIIe siècle av. J.-C., le roi Ammi-ditana de Babylone consacre un hymne à la gloire d'Ishtar qui figure parmi les plus belles pièces du genre en Mésopotamie ancienne, dont voici le début :




Célébrez la Déesse, la plus auguste des Déesses !

Honorée soit la Dame des peuples, la plus grande des dieux !

Célébrez Ishtar, la plus auguste des déesses,

Honorée soit la Souveraine des femmes, la plus grande des dieux !

- Elle est joyeuse et revêtue d'amour.

Pleine de séduction, de vénusté, de volupté !

Ishtar-joyeuse revêtue d'amour,

Pleine de séduction, de vénusté, de volupté !

- Ses lèvres sont tout miel ! Sa bouche est vivante !

À Son aspect, la joie éclate !

Elle est majestueuse, tête couverte de joyaux :

Splendides sont Ses formes ; Ses yeux, perçants et vigilants !

- C'est la déesse à qui l'on peut demander conseil

Le sort de toutes choses, Elle le tient en mains !

De Sa contemplation naît l'allégresse,

La joie de vivre, la gloire, la chance, le succès !

- Elle aime la bonne entente, l'amour mutuel, le bonheur,

Elle détient la bienveillance !

La jeune fille qu'Elle appelle a trouvé en Elle une mère :

Elle la désigne dans la foule, Elle articule son nom !

- Qui ? Qui donc peut égaler Sa grandeur ?



— Hymne d'Ammi-ditana de Babylone à Ishtar, traduction de J. Bottéro[27].



Ishtar reste la principale déesse des royaumes mésopotamiens du Ier millénaire av. J.‑C.. En Assyrie, deux de ses hypostases, Ishtar de Ninive[28] et Ishtar d'Arbèles, sont vues comme les protectrices du souverain et de son royaume, tout en étant manifestement perçues chacune comme une divinité à part entière indépendante de l'autre[29],[30]. À Babylone, Ishtar dispose d'importants lieux de culte dans la ville même[31] et de nombreux autres dans les grandes villes du royaume, à commencer par Uruk[32].



Ishtar et les autres déesses du Proche-Orient antique |


Ishtar partage de nombreux points communs avec d'autres déesses du Proche-Orient ancien, avec lesquelles elle partage parfois des origines communes, ou bien qu'elle a influencées en profitant du rayonnement de la culture mésopotamienne sur les régions voisines.


Les divinités des panthéons sémitiques comme Ashtar à Ebla et surtout Astarté à Ugarit et chez les Phéniciens partagent manifestement une origine commune avec leur quasi-homophone Ishtar, et sont comme elles des manifestations de la planète Vénus, sans doute aussi des divinités ayant un aspect guerrier ou chasseur (elles ont également pour animal-symbole le lion)[33]. Ishtar présente également des similarités avec une autre déesse ouest-sémitique, Anat, qui a elle aussi pour épithète « Dame/Reine du Ciel » et est également identifiée comme étant la planète Vénus tout en ayant les caractères de déesse de la fertilité, de l'amour, de la chasse[34]. Le culte de ces déesses ouest-sémitiques est par ailleurs attesté dans la Bible hébraïque, et leur figure ainsi que celle d'Ishtar se retrouve dans celle de la « Reine du Ciel » dont le culte, répandu chez les Judéens du VIe siècle av. J.-C., est dénoncé par le prophète Jérémie[35].


La déesse grecque Aphrodite, qui est également associée à la planète Vénus et la sexualité, est manifestement influencée par ces déesses (Astarté en particulier), et peut-être même d'origine proche-orientale. Mais les influences religieuses entre le Proche-Orient et la Grèce restent difficile à étudier, en raison de la diversité des chemins qu'ont pu prendre ces influences (Anatolie, Phénicie, Chypre). Aphrodite n'est en tout cas pas attestée dans les textes mycéniens, ce qui semble plaider en faveur d'une apparition tardive de cette déesse dans le monde grec[36].




Bas-relief du sanctuaire rupestre hittite de Yazılıkaya représentant la déesse Ishtar/Shaushga (no 38) suivie par ses acolytes Ninatta (no 37) et Kulitta (no 38). XIIIe siècle av. J.-C.


Ishtar dispose d'une contrepartie dans le monde hourrite, Shaushga, qui présente les mêmes attributs qu'elle : il est donc fortement probable que celle-ci ait repris ses caractéristiques lorsque les populations hourrites sont entrées en contact avec la civilisation mésopotamienne. La déesse de Ninive fut du reste aussi bien appelée Ishtar que Shaushga lorsque les Hourrites étaient dominants dans cette ville, notamment à l'époque du royaume du Mitanni. Dans le monde hittite qui connut aussi bien une forte influence mésopotamienne que hourrite, cette déesse fut adoptée dans le courant du IIe millénaire av. J.‑C. Dans les textes, elle apparaît sous le nom Ishtar, mais il fait peu de doutes qu'il s'agissait également d'une adaptation locale de la déesse Shaushga. Son importance s'affirma notamment à partir du règne de Hattusili III, souverain qui en avait fait sa déesse protectrice, et dont l'épouse Puduhepa était la fille d'un grand prêtre de la déesse dans un de ses principaux lieux de culte anatoliens, Lawazzantiya au Kizzuwatna. Un autre de ses grands sanctuaires anatoliens était à Hattarina. Dans les textes mythologiques et rituels ainsi que les représentations artistiques, la déesse est souvent associée à deux acolytes, les déesses Ninatta et Kulitta[37],[38]. La « Déesse de la nuit » vénérée en pays hittite semble par ailleurs être un aspect d'Ishtar/Shaushga, celui de l'astre Vénus[39].


Dans l'espace élamite, il n'y a pas vraiment de divinité d'origine locale qui semble correspondre à Inanna/Ishtar (dont le culte était du reste implanté à Suse), même si des liens sont possibles avec Pinikir et Kiririsha, impossibles à confirmer en raison du peu d'informations dont on dispose sur celles-ci[40]. Chez les Perses, il est possible que la figure d'Ishtar ait eu une influence sur la déesse Anahita, associée elle aussi à l'amour et à la fertilité (c'est l'avis de M. Boyce)[41].



Une déesse à la personnalité riche et complexe |


Ishtar est une déesse aux attributs et fonctions diverses, qui lui confèrent une personnalité aux contours flous, complexes, souvent difficiles à démêler et à interpréter pour les chercheurs modernes. La fascination qu'elle a manifestement exercé dans le Proche-Orient ancien semble en bonne partie liée à cela. Elle est une déesse de l'amour, surtout sous son aspect charnel, et également une déesse des conflits, liée à la guerre. Ishtar est également assimilée à la planète Vénus, l'étoile du matin, et a donc un aspect céleste. Étant une des principales déesses de la Mésopotamie, on lui a également attribué à plusieurs reprises un grand rôle dans la détermination des souverains qui devaient régner sur Terre. Réunissant en elle deux fonctions apparemment opposées, étant facteur d'ordre et de désordre, incarnant les normes aussi bien que la marginalité, elle a été vue comme une déesse bipolaire, paradoxale, réunissant ce qui s'oppose.



Vénus : une divinité astrale |




L'étoile à huit branches, symbole d'Ishtar, détail d'un kudurru de Meli-Shipak.


Ishtar est une divinité astrale, identifiée à la planète Vénus (Delebat en akkadien, ou bien simplement « Ishtar »), étoile du matin et du soir[10]. La déesse est d'ailleurs souvent symbolisée par une étoile à huit branches, représentant sans doute cet astre[42]. Représentée par le deuxième astre le plus brillant dans la ciel nocturne après la Lune, Ishtar occupe une place majeure dans l'espace céleste. Comme cela a été évoqué son nom sumérien signifie « Dame du Ciel », et il se retrouve en akkadien dans l'épithète « Reine/Dame du Ciel » (šarrat/bēlit šamê) aux côtés d'autres appellations similaires comme « Reine des Cieux et des Étoiles » (šarrat šamāmi u kakkabê)[35] ; dans le mythe de sa descente aux Enfers, elle se proclame « Reine du Ciel, de là où le soleil se lève »[43]. En tant que planète Vénus, la déesse est parfois appelée dans les textes sumériens d'un autre nom, Ninsianna, la « Dame, lumière du Ciel », qui semble être à l'origine une déesse indépendante dont la personnalité a été absorbée par Inanna[44]. Elle apparaît sous cet aspect astral dans des prières dédiées aux « divinités de la nuit », un ensemble d'astres divinisés intervenant dans des rituels d'exorcisme ou de divination[45].


Un beau poème est dédié à l'aspect astral de la déesse par le roi Iddin-Dagan d'Isin :




Alors que la Dame, admirée par le Pays (de Sumer),

l'étoile solitaire, l'étoile Vénus,

la Dame élevée aussi haut de le Ciel,

s'élève au-dessus telle un guerrier,

le Pays tremble devant elle !

Les fidèles Tête-noires (les hommes) se prosternent devant elle.

Le jeune homme voyageant sur les routes s'oriente grâce à elle.

Les bœufs lèvent leur tête de leur joug vers elle.



— Hymne d'Iddin-Dagan à Inanna[46]



Le récit de l'Exaltation d'Ishtar relate comment le dieu céleste Anu l'élève parmi les autres divinités du Ciel, à savoir le Soleil et la Lune, et la surnomme « Ishtar des étoiles » (Ishtar-kakkabi), nom utilisé à plusieurs reprises dans la documentation cunéiforme pour évoquer l'aspect astral de la déesse[47] :




Pour Sîn et pour Shamash, (par) le jour et la nuit, il y eut deux parts égales ; (...)

À cette place, Ishtar, hausse-toi

à la royauté de tous.

O Innin, sois, toi, la plus brillante d'entre eux,

et qu'ils t'appellent « Ishtar-des-étoiles » !

Que, souverainement, à côté d'eux,

se change ta place en la plus haute.

Que, lors de la garde même de Sîn et de Shamash,

rayonnante soit ta splendeur ;

que l'éclatant flamboiement de ta torche

au milieu du ciel s'allume !

Comme parmi les dieux, tu n'as personne qui t'approche,

que les peuples t'admirent !



— Exaltation d'Ishtar, traduction de René Labat[48]



Son lien avec cet astre apparaissant dans le ciel deux fois par jour à deux endroits différents (à l'est et à l'ouest) a fait qu'elle a été adorée sous ses deux aspects à Uruk à la fin du IVe millénaire av. J.‑C., avec les épithètes húd « matin » et sig « soir »[22]. Ce pourrait être son aspect originel, la source de sa personnalité complexe et « bipolaire »[20]. En tout cas, au Ier millénaire av. J.‑C., il est courant que Vénus soit considérée comme « bi-sexuée », masculine au matin et féminine au soir, ou l'inverse suivant les traditions. Elle occupe une place importante dans l'astrologie[49].



La déesse de l'amour et de la sexualité |




Déesse nue, sans doute Inanna/Ishtar dans sa fonction de déesse de l'amour et de la sexualité, détail d'un vase exhumé à Larsa (« vase d'Ishtar »), début du IIe millénaire av. J.‑C., musée du Louvre.


Si elle a sans doute eu dans les temps anciens un rôle concernant la fertilité des plantes et des animaux, Inanna s'affirme dans les textes de la fin du IIIe millénaire av. J.‑C. comme une déesse liée à l'amour puis de plus en plus à la sexualité, et non pas la fécondité[50].


De nombreux hymnes et chansons d'amour en sumérien s'intéressent ainsi à sa relation avec son époux, le dieu-berger Dumuzi (Tammuz en pays sémitique), le couple divin devenant un modèle pour ce qui relève de la séduction et de la sexualité[51]. Ces récits se présentent souvent sous la forme d'un jeu de séduction entre Inanna, présentée comme une jeune fille de bonne famille très belle, séductrice et disposant de beaux atours, en émois devant son promis, qui éveille en elle des sentiments enthousiastes et des désirs sexuels, et Dumuzi qui cherche à gagner son cœur en lui faisant la cour, et à l'épouser, en accord avec les conventions sociales. Cette union a un lien symbolique manifeste avec la fertilité, qui doit découler de l'union des deux divinités, qui ressort de manière claire dans les écrits liés au thème du « Mariage sacré » qui s'appuie sur cette tradition mythologique et qui présentent Inanna comme la garante du succès des récoltes et du croît des troupeaux. La contrepartie se trouve dans les récits consacrés à la descente d'Inanna aux Enfers et à la mort de Dumuzi qui en découle, marquant (pour un temps) la fin de cette prospérité, et renvoyant sans doute au cycle des saisons.




Qu'on m'érige mon lit garni de fleurs.

Qu'on y répande des herbes semblables au lapis-lazuli limpide.

Pour moi, qu'on amène l'homme de mon cœur.

Qu'on m'amène mon Amausumgal-ana (autre nom de Dumuzi).

Qu'on place sa main dans ma main, qu'on place son cœur contre mon cœur.

Lorsque la main est sur la tête, que le sommeil est plaisant !

Lorsque le cœur est pressé contre le cœur, que le plaisir est délicieux !



— Chant nuptial pour Inanna et Dumuzi[52].



Le caractère sexuel d'Inanna/Ishtar est progressivement plus prononcé. Elle est alors la patronne du désir sexuel, des relations sexuelles, et est invoquée dans des prières visant à obtenir l'amour d'un être désiré, de même que dans des rituels visant à lutter contre l'impuissance sexuelle ou pour enfanter[53]. Dans ses temples, on lui dédiait des objets votifs manifestement en rapport avec la sexualité à ces mêmes fins, notamment des triangles pubiens : de nombreux exemplaires en terre cuite ont été mis au jour dans son temple à Assur, et l'inventaire du trésor du temple de la déesse Ishtar de Lagaba mentionne une vulve en or et huit en argent[54]. Les nombreuses représentations en terre cuite de femmes nues et de couples en pleins ébats sont couramment rattachées au culte d'Ishtar[55], mais en fait cela n'est pas évident, le sens exact de ces œuvres restant débattu, d'autant plus qu'elles n'ont que rarement été mises au jour dans des temples d'Inanna/Ishtar[56]. Parmi les autres divinités liées à l'amour et la sexualité dont la personnalité était voisine de celle d'Inanna/Ishtar, peut être mentionnée Nanaya ou Nanâ, dont le lieu de culte principal se trouvait également à Uruk[9].




Plaque en terre cuite d'époque paléo-babylonienne représentant un couple faisant l'amour. Musée d'Israël.


Tout en étant invoquée dans le cadre de relations matrimoniales, Ishtar est également la patronne des prostituées (le plus souvent appelées en sumérien kar-kid, et en akkadien ḫarimtu, mais on trouve d'autres termes)[57]. Plusieurs de ses temples, comme celui de Lagash, sont appelés « cabaret sacré » (sumérien éš-dam-kù), le « cabaret/taverne » jouant souvent le rôle de maison de passe, et la cité d'Uruk est qualifiée dans le mythe d'Erra comme la « ville des prostituées (ḫarimtu), courtisanes (kezertu) et filles de joie (šamḫatu), qu'Ishtar a privées d'époux, afin de les garder à merci »[58], tandis que les prostituées sont appelées dans un texte rituel « filles d'Inanna ». Un hymne sumérien assimile même la déesse à une prostituée : « Prostituée, tu te rends au cabaret et, telle un fantôme qui se faufile par la fenêtre tu y rentres. (...) Lorsque les valets ont laissé en liberté les troupeaux, lorsque les bœufs et les moutons ont été rentrés à l'étable, alors, ma Dame, telle une femme sans nom, tu portes un seul ornement. Les perles d'une prostituées sont autour de ton cou, et tu peux alors emporter n'importe quel homme présent au cabaret. »[59]. Un poème grivois en akkadien relate par ailleurs comment la déesse (manifestement là encore dans un rôle de prostituée) est capable de satisfaire sexuellement des dizaines de jeunes hommes sans être épuisée : « “Réunis pour moi les jeunes hommes de ta ville, et allons à l'ombre du mur de la ville.” Sept à son devant, sept à ses hanches, soixante et soixante sont satisfaits par son sexe. Les jeunes hommes s'épuisent, mais pas Ishtar : “Venez, jeunes hommes, sur ma plaisante vulve !” »[60].


On a beaucoup débattu sur l’existence ou non d’une « prostitution sacrée » dans les temples de la déesse, à partir du témoignage de Hérodote sur une telle pratique en Assyrie et sur les différents aspects de la personnalité et du culte d’Ishtar liés à la sexualité et la prostitution. Il semblerait que les sanctuaires de la déesse soient bien associés, directement, ou a minima indirectement, à de telles activités, puisqu’il y a des attestations de desservants de temples d’Ishtar percevant des revenus liés à la prostitution (il pourrait néanmoins s'agir d'offrandes versées par des prostituées à leur déesse tutélaire), et qu'un texte de Nuzi semble montrer qu’une fille est donnée par son père en gage au temple local de la déesse dans le but de servir comme prostituée[61]. Il faudrait alors réinterpréter la littérature et les objets liés à la fonction sexuelle de la déesse comme liés à cet aspect de son culte et à sa valorisation. Mais cela reste encore très mal connu et débattu. Il conviendrait notamment d'éclairer la fonction exacte d'une partie des desservants d’Ishtar, certains comme les assinnu(m) et les kurgarrû(m), accomplissant lors des rituels des chants et des danses, étant peut-être des travestis (ou bien des hermaphrodites)[62], d’autres comme les kezertus étaient des femmes servant apparemment de musiciennes mais ont aussi pu être des sortes de « courtisanes ».


Ce patronage et ce personnel indiquent qu'Ishtar devient parfois une divinité liée aux marges, avec un potentiel subversif. En témoigne le fait qu'elle n'est plus présentée comme une jeune promise se pâmant devant son promis et espérant son mariage en accord avec les bonnes mœurs, mais plutôt comme une croqueuse d'hommes, jamais associée durablement à un compagnon masculin, ses partenaires connaissant par ailleurs souvent un destin funeste. Un hymne hourro-hittite décrit ainsi la déesse sous son aspect de patronne de l'amour et du désir comme pouvant aussi bien être à l'origine de l'amour entre un homme et une femme (« Un homme et sa femme qui s'aiment et portent leur amour à son accomplissement : cela a été décidé par toi, Ishtar »), mais également des adultères, et évoque le fait que la déesse elle-même a causé la perte de nombre de ses amants (« Ishtar : tu as dévoré tes époux »)[63]. Ce dernier passage rappelle celui de l’Épopée de Gilgamesh où le héros rejette violemment les avances de la déesse, accusée en fin de compte de ne rechercher que les plaisirs de l'amour physique et de ne pas s'attacher[64].



Une déesse guerrière et virile |




Un des lions représentés sur les briques glaçurées de la porte d'Ishtar à Babylone. Pergamon Museum.




Un des lions colossaux gardant l'entrée du temple d'Ishtar sous son aspect šarrat niphi à Nimrud/Kalkhu. British Museum.


Ishtar est une déesse liée à la guerre, aspect sous lequel elle se présente comme « virile », masculine, les valeurs martiales n'étant pas considérées comme féminines dans le Proche-Orient ancien comme ailleurs[65], la féminité de la déesse étant plus exprimée dans sa fonction de déesse de l'amour. C'est à cet aspect de la déesse que paraît plus particulièrement liée son association à son animal-symbole, le lion[66]. L'Exaltation d'Ishtar la présente comme la « Dame du combat », et la « déesse des joutes guerrières », qu'elle dirige comme un spectacle de marionnettes :




Ô Ishtar, fais l'assaut et le corps à corps

se ployer comme la corde à sauter !

Comme le tambour et la baguette, ô Dame du combat,

fais s'entrechoquer l'affrontement (des troupes) !

Ô déesse des joutes guerrières, conduis la bataille

comme un jeu de marionnettes !

Ô Innin, là où sont le choc des armes et le massacre,

joue, comme aux osselets, avec le chaos !

Ô Ishtar, lorsque, comme un violent ouragan,

tu maintiens le dur nœud du combat,

lorsque, par la masse, la hache, le glaive et l'épieu,

tu rivalises par la force,

lorsque tu revêts la cuirasse furieuse,

que fasse rage le Déluge !



— Exaltation d'Ishtar, traduction de R. Labat[67]






Sceau-cylindre avec son empreinte de la période d'Akkad figurant au centre la déesse Ishtar ailée et portant des armes sur son dos, accompagnée de ses attributs, un lion qu'elle tient en laisse et l'étoile à huit branches. Musée de l'Oriental Institute de Chicago.


Dans le mythe Inanna et Ebih, Ishtar prend elle-même les armes pour combattre la redoutable montagne Ebih, exploit égalant ceux du grand dieu guerrier Ninurta[68]. Dans le Poème d'Agushaya, elle est présentée sous son jour le plus belliqueux, querelleur, que les autres dieux cherchent à canaliser. Ce texte proclame que « la fête d'Ishtar, c'est de guerroyer, d'entrechoquer les combattants, d'exciter les officiers, de déchaîner les troupes » et qu'« on l'a dotée de mâle courage, d'exploits et de vigueur »[69]. Ce mythe semble faire référence dans sa dernière partie à des rituels de danses (gūštu) guerrières liées au culte d'Ishtar[70].


Cet aspect est couramment imputé à une origine sémitique, car il ne semblerait pas avoir concerné originellement la déesse Inanna, et serait un développement particulièrement accentué à l'époque d'Akkad par les souverains de cet empire, qui vénéraient Ishtar d'Akkad, ou « Ishtar de la bataille », Annunītum[21], qui devint plus tard une déesse indépendante, vénérée également à Sippar-Amnanum[71]. Ishtar apparaît dans la glyptique de la période d'Akkad sous un aspect martial et triomphal, portant des armes sur son dos et parfois ailée[72]. Cette fonction martiale est également très prononcée dans les variantes assyriennes de la déesse, surtout Ishtar d'Arbèles. Elle était particulièrement appréciée des souverains par sa capacité à octroyer la victoire, et ce n'est pas anodin que cet aspect fut plus valorisé dans les royaumes les plus martiaux.



Une faiseuse de rois |




Amulette en bronze représentant la déesse Ishtar assise sur un trône supporté par un lion ailé, face à un fidèle. Période néo-assyrienne.


Ishtar était une déesse couramment associée à la royauté (elle est souvent désignée comme une « Dame » ou une « Reine »), et apparaît même à plusieurs reprises comme une pourvoyeuse de cette dignité, ce qui d'ordinaire était réservé aux dieux masculins. Cet aspect fut très affirmé au IIIe millénaire av. J.‑C. pour Inanna[23]. Plusieurs souverains des cités-État de Sumer se présentaient alors comme choisis par la déesse, ou plus précisément comme aimés par elle. Ainsi d'E-anatum de Lagash, qui affirme dans une de ses inscriptions célébrant ses triomphes que « la déesse Inanna, parce qu'elle l'aime, elle lui a octroyé la royauté sur Kish en plus de la souveraineté sur Lagash », et dans l'inscription de la Stèle des Vautours qu'il est l'« époux aimé d'Inanna ». Cela se retrouve également à l'époque des rois d'Akkad, qui ont particulièrement affirmé leur lien avec Inanna : Naram-Sîn se présente à son tour comme l'aimé et l'époux de la déesse. Sous les souverains de la troisième dynastie d'Ur, cette théorie politique culmine dans les textes liés au thème du Mariage sacré, qui a peut-être également donné lieu à une cérémonie[73] : dans ces récits, le souverain, assimilé au dieu Dumuzi, devient l'époux d'Inanna, et l'amour qu'il reçoit de la déesse puis son union physique avec elle (et donc la démonstration de sa virilité) le légitiment et assurent la prospérité du royaume (les mythes auxquels ces rites font référence étant avant tout liés à la thématique de la fertilité).


La relation entre la déesse et le roi prend donc un caractère sexuel affirmé dans ces textes, en particulier dans un chant déclamé par la déesse relatant son union charnelle du roi Shulgi (qui prend progressivement la place de Dumuzi dans le récit) et comment elle le conforte dans sa fonction souveraine.




Lorsque sur le lit il m'aura caressée,

Alors je caresserai mon seigneur,

je décréterai un sort agréable pour lui !

Je caresserai Shulgi, le fidèle berger,

je décréterai un noble destin pour lui !

Je caresserai ses reins,

et je lui décréterai comme destin le pastorat du pays ! (...)

Dans la bataille, je serai ta guide,

Au combat, je porterai ton arme telle un écuyer,

À l'assemblée, je serai ton avocate,

Pendant les campagnes, je serai ton inspiration.



— Hymne à Shulgi[74]



De même, dans le mythe d'Enmerkar et le seigneur d'Aratta, deux rois se disputent les faveurs d'Ishtar et, ainsi, la supériorité politique qui en découle. Voici comment le roi d'Aratta voit les choses:




Lui (Enmerkar), il demeurera avec Inanna près du rempart[75],

Tandis que moi je coucherai avec elle dans mon splendide palais d'Aratta !

Lui s'allongera près d'elle sur une simple couche conjugale

Tandis que moi je coucherai avec elle dans le doux repos d'un lit précieux !

Lui ne contemplera Inanna qu'en rêve

Tandis que moi je parlerai avec elle, à ses pieds, la brillante !



— Enmerkar et le seigneur du pays d'Aratta[76].



Pour ceux qui considèrent qu'il y avait effectivement des rites de Mariage sacré et qu'il ne s'agissait pas que d'une construction intellectuelle, au cours de celui-ci le roi se déplacerait à Uruk, sur sa barque royale. Revêtu de son habit et de sa perruque de cérémonie, il célébrerait alors, dans la chambre du temple de la déesse[76] représentée par la lukur (en sumérien, « servante du temple », « hiérodule »), son union sacrée avec Inanna[77]. Après la période de la troisième dynastie d'Ur, sous la première dynastie d'Isin, ce serait plutôt dans le palais royal de la capitale que le rite avait lieu[78]. Se poserait également la question de savoir si cette cérémonie avait lieu tous les ans ou lors de l'intronisation du roi. Ce n'est plus, là, un rite de fertilité, symbolisé par une relation ponctuelle, mais un lien permanent qui s'établit comme celui du mariage. L'objectif du rituel est surtout de légitimer le roi en lui construisant un lien personnel avec les dieux et, à travers lui, son peuple[76].


La théorie politique qui avait cours durant la période de la troisième dynastie d'Ur disparaît dans les textes après le début du IIe millénaire av. J.‑C. pour être supplantée par une autre : Inanna/Ishtar n'est plus l'amante des rois, mais leur protectrice lors des batailles. C'est donc son rôle guerrier qui devient plus valorisé dans l'idéologie politique[79]. Cela se retrouve loin de Mésopotamie, puisque l'Apologie de Hattusili III, texte du XIIIe siècle av. J.-C. relatant l'ascension politique d'un prince hittite devenu roi de ce pays, attribue celle-ci à la bienveillance d'Ishtar (ou Shaushga dans ce pays sous forte influence hourrite) :



« Ishtar, ma Dame, a continué à m’élever échelon après échelon. J’étais prince et je devins Chef de la garde royale. Chef de la garde royale, je devins Roi de Hakpis. Roi de Hakpis, je devins alors Grand Roi. Finalement, Ishtar, Ma Dame, avait mis à ma merci ceux qui (me) jalousaient, (mes) ennemis, et mes opposants à la cour. Certains moururent par l’épée, d’autres moururent leur jour (i.e. le jour prévu par le destin) : tous furent finis. Ishtar, Ma Dame, m’avait donné la royauté sur la pays hittite. »



— Apologie de Hattusili III[80].


La proximité entre Ishtar et des souverains apparaît une dernière fois à l'époque néo-assyrienne (VIIe siècle av. J.-C.), avec les figures d'Ishtar de Ninive et Ishtar d'Arbèles, plusieurs fois présentées comme des protectrices des souverains assyriens[29], et même comme leurs mères ou nourrices qui les ont choisi pour exercer leur rôle[81]. La relation entre le roi et la déesse est donc plutôt de type maternel, et non pas nuptial ou sexuel, cet aspect d'Ishtar étant apparemment moins prononcé en Assyrie voire absent[82].




Exaltez, magnifiez la Dame divine de Ninive,

Grandissez, glorifiez la Dame divine d'Arbèles,

Qui n'ont pas d'égales parmi les grands dieux !

(...)

Moi, Assurbanipal, de descendance royale,

Qui abats (?) les rebelles, qui calme le cœur des dieux,

Les grands dieux m'ont encouragé et ont béni mes armes ;

La Dame divine de Ninive, la mère qui m'a enfanté,

A ordonné que mon règne ait une longueur sans égale ;

La Dame divine d'Arbèles a ordonné (qu'il y ait) de bonnes dispositions à mon égard ;

Elles (m')ont fixé pour destins une vie perpétuelle et l'exercice

de la souveraineté sur tous les lieux habités

Dont elles ont soumis les rois à mes pieds.

Que la Dame divine de Ninive, la Dame des chants, exalte (ma) royauté à perpétuité !



— Prière du roi assyrien Assurbanipal à Ishtar de Ninive et Ishtar d'Arbèles, traduction de M.-J. Seux[83].



En contrepartie, plusieurs inscriptions royales et traités assyriens, dans leurs sections de malédictions destinées à ceux qui se lèveraient contre la volonté des rois d'Assyrie, confèrent à Ishtar la faculté inverse de défaire les rois, dans le cas suivant en provoquant leur perte de virilité et leur faiblesse, parfois en les transformant en femmes (voir plus bas), pour causer finalement leur défaite au combat[84] :




La déesse Ishtar,

Maîtresse des luttes et batailles,

(Qui) a désigné mon tour de gouverner,

Puisse-t-elle le changer d'homme à femme,

Puisse-t-elle faire diminuer sa virilité !

Qu'elle lui inflige la défaite de son pays !

Qu'il ne puisse faire face à son ennemi ! (...)

Qu'elle le livre à ses ennemis !



— Inscription du roi Tukulti-Ninurta Ier[85].




Contradictions, perturbations et altérité |


Les aspects divers d'Ishtar, les contradictions entre ses différentes fonctions, ainsi que son caractère perturbateur et bien souvent subversif ont retenu l'attention des chercheurs qui ont tenté de mieux caractériser la façon dont ils coexistent, sans toutefois dégager de vision qui fasse consensus, et cela reste l'aspect le plus discuté de cette déesse[86]. Ses deux fonctions principales, amour/sexe et guerre, sont vues comme opposées tout en étant réunies au sein d'une même déesse. Cela les rend en fin de compte proches, notamment parce qu'elles sont déterminées par les passions et reflètent le tempérament exalté de la déesse, que plusieurs mythes et hymnes présentent comme capricieuse (et même « têtue comme une mule » selon l'hymne hourro-hittite cité plus haut), ou plus largement une perturbatrice de l'ordre établi, créatrice de conflits et de destructions. En fait, ces deux fonctions peuvent aussi bien être canalisées et bénéfiques à la société, qu'incontrôlables et génératrices de destructions. C'est ce qui ressort pour son aspect guerrier du Poème d'Agushaya, dans lequel la fougue guerrière d'Ishtar est incontrôlable avant d'être contrée par Enki, le dieu sage et ordonnateur par excellence[87], et dans sa Descente aux Enfers dans laquelle son ambition entraîne la perte dramatique de son époux Dumuzi, malgré l’amour qu’elle lui porte[88]. Les passions, la séduction et l’amour peuvent vite entraîner la perte et la mort.


Ishtar peut par ailleurs être vue comme une déesse de la marginalité, ni valorisée pour son rôle d'épouse ou de mère conforme à l'idéal social mésopotamien et représenté par bien d'autres déesses, mais plutôt associée à la sexualité ou aux conflits. Le culte d'Ishtar semble renvoyer à son anormalité et à la confusion qu'elle jette dans l'ordre établi, ayant un aspect carnavalesque, impliquant des personnages à la sexualité ambigüe (et du reste mal comprise par les chercheurs modernes : ce sont peut-être des travestis, ou bien eunuques, ou des hermaphrodites), une inversion des valeurs[62]. Une autre interprétation serait que ces cérémonies de travestissement soient des rites initiatiques impliquant des jeunes hommes[5].


Plusieurs textes confèrent quoi qu'il en soit à Ishtar la faculté d'inversion de la destinées des personnes, illustrée à plusieurs reprises par sa capacité à transformer les hommes en femmes et vice-versa :




Inanna a été dotée par Enlil et Ninlil de la faculté

de réjouir le cœur de ceux qui l'honorent dans leurs demeures établies,

de ne pas apaiser l'humeur de ceux qui ne l'honorent pas dans leurs demeures solides ;

de transformer un homme en une femme et une femme en un homme,

de changer une chose en une autre,

de faire se vêtir des jeunes femmes comme des hommes sur son côté droit,

de faire vêtir des jeunes hommes comme des femmes sur son côté gauche,

de placer des fuseaux entre les mains des hommes,

de donner des armes aux femmes.



— Hymne d'Ishme-Dagan d'Isin en l'honneur d'Inanna[89]



Ishtar est donc tantôt un facteur d'ordre, tantôt un facteur de désordre, une garante des conventions sociales ou bien une représentante des marges subversives de la société[90]. Pour R. Harris, Ishtar « réunit en elle les polarités et les contraires, et par la suite elle les transcende »[91]. Il reste cependant compliqué de dégager une fonction générale à la déesse au-delà de ces fonctions diverses et paradoxales, pour tenter de les réconcilier, si tant est qu'il y ait lieu de le faire. Certains mettent plus en avant le fait que cette déesse soit pensée en tant que femme par les élites masculines de la Mésopotamie antique, et qu'elle reflète donc leur vision de la femme et de la féminité (hors l'aspect maternel), d'où sa complexité. Elle serait donc à comprendre sous le prisme de l'altérité. J.-J. Glassner, étudiant la fonction de « maîtresse des inversions » qu'a la déesse Inanna/Ishtar, liée à sa féminité, considère qu'Inanna/Ishtar est « l'image d'une femme libre, d'un idéal féminin, qui accompagne le parcours de toute une vie, à l'exclusion de la naissance (...) dont l'exhibition permet d'expulser la femme totalement libre, égale de l'homme, qui a le parler haut, du champ du social et de la vie réelle »[5]. Z. Bahrani propose une interprétation voisine insistant surtout sur le fait qu’Ishtar en tant que femme est « autre qu’un homme » : dans la société patriarcale mésopotamienne, elle représente l’essence de la féminité, et par là ce qui est vu comme l’altérité par excellence, symbole de tous les excès et de ce qui est hors de contrôle. Elle a la capacité de détruire l’ordre social, mais permet aussi d’en tracer les limites, au moins d’un point de vue rhétorique, en permettant d’identifier ce qui est normal et ce qui est anormal[92].



Inanna/Ishtar dans les œuvres littéraires |


La richesse de la figure d'Inanna/Ishtar, et son statut de principale déesse au milieu d'autres figures majeures quasi exclusivement masculines, en ont fait un personnage de prédilection des lettrés mésopotamiens. Selon les mots de J. Bottéro, elle « offrait généreusement à l'imagination mythopoïétique une personnalité débordante »[93]. Elle figure donc comme personnage principal ou secondaire dans plusieurs récits mythologiques et épiques, et également dans des hymnes et des prières qui lui étaient adressées par des fidèles, en premier lieu des rois.



Littérature mythologique |


Article connexe : Mythologie mésopotamienne.



Copie de la version akkadienne de la Descente d'Ishtar aux Enfers, issue de la « Bibliothèque d'Assurbanipal » à Ninive, VIIe siècle av. J.-C., British Museum.


Le mythe le plus dense concernant la déesse Inanna/Ishtar est celui de sa Descente aux Enfers. Il est connu par une version ancienne en sumérien, qui a ensuite été réadaptée en akkadien, avec des modifications importantes de plusieurs passages. Sa trame reste similaire : la déesse décide de devenir souveraine des Enfers, en lieu et place de sa sœur Ereshkigal, et décide donc de se rendre dans le Monde inférieur sous prétexte de se rendre aux funérailles de l'époux de sa sœur. Cette dernière, pressentant la véritable raison de la venue d'Inanna, lui fait laisser un vêtement ou un bijou à chaque fois qu'elle franchit une des sept portes la menant aux Enfers, et quand elle arrive auprès de la Reine des Enfers elle est complètement nue. Ereshkigal la fait alors mettre à mort par des divinités infernales. Le vizir d'Inanna, Ninshubur, demande de l'aide aux autres grands dieux, et obtient le secours d'Enki/Ea qui confectionne deux êtres pour aller récupérer Inanna. Mais Ereshkigal ne consent à la laisser partir qu'à la condition qu'elle trouve un autre dieu pour se substituer à elle. Ce sera finalement Dumuzi son compagnon. La sœur de ce dernier, Geshtinanna, supplie Ereshkigal de le libérer, et obtient qu'il puisse remonter sur Terre une moitié de l'année à condition qu'elle prenne sa place[94]. Ce mythe brasse des thématiques riches, au point qu'il est impossible d'en donner une interprétation unique. On y retrouve : une description du monde infernal tel qu'il était conçu par les anciens Mésopotamiens, l'aspect conquérant d'Inanna/Ishtar, la ruse d'Enki/Ea, les interprétations naturalistes retrouvent dans le destin de Dumuzi le thème du « dieu qui meurt » lié au cycle de la nature, à la fertilité et aussi à la royauté[95], tandis qu'une approche ritualiste veut y déceler l'étiologie d'un culte à mystère lié à la déesse Ishtar, pour l'époque néo-assyrienne[96]. L'importance de ce mythe est telle qu'il a inspiré d'autres récits et des rituels relatifs au destin funeste de Dumuzi. Les relations entre Inanna et Dumuzi n'y sont du reste pas toujours marqués par l'indifférence de la déesse envers les destin de son amant, car elle se lamente souvent sur son sort funeste[97].


Le récit sumérien Inanna et Bilulu, relatif aux amours entre les deux dieux, propose une version alternative de la mort de Dumuzi, preuve que plusieurs traditions ont pu cohabiter. Ici, Inanna se plaint d'être tenue éloignée du dieu, qui est parti faire paître son troupeau dans la steppe. Elle apprend alors sa mort, causée par la vieille dame Bilulu et son fils Jirjire. Elle se venge en les tuant et en les transformant en outres en peau, donc en esprits protecteurs des espaces désertiques. Elle instaure des rites funéraires pour eux. La fin du récit voit Geshtinanna se joindre aux complaintes d'Inanna[98]. Ce mythe renvoie aux relations entre le monde des villes « civilisé » et celui de la steppe « sauvage », à la capacité d'Inanna d'inverser les fonctions (des êtres destructeurs deviennent protecteurs) et contient par ailleurs une étiologie de rites funéraires[5].


La personnalité expansionniste d'Inanna se retrouve dans le mythe sumérien Inanna et Enki. La déesse rend visite au dieu Enki, qui dispose des pouvoirs appelés me en sumérien, qui sont en quelque sorte les savoirs caractéristiques de la civilisation, archétypes de tout ce qui existe, et parvient à lui dérober après l'avoir enivré au cours du banquet donné en son honneur[99].




Fragment d'une tablette du mythe Inanna et Ebih. Musée de l'Oriental Institute de Chicago.


Deux autres mythes sont à mettre en relation avec l'aspect guerrier d'Inanna/Ishtar. Le récit en sumérien Inanna et Ebih relate le combat d'Inanna contre la montagne divinisée Ebih qui avait refusé de se soumettre aux grands dieux, récit similaire à ceux concernant les exploits du dieu-guerrier Ninurta (Lugal-e). Ces mythes ont un arrière-plan politique, renvoyant aux luttes entre les royaumes du Sud mésopotamien et ceux des montagnes des contreforts du Zagros[100]. Le Poème d'Agushaya évoque le fait que l'aspect combattant et querelleur de la déesse devient incontrôlable. Le dieu Ea, s'inquiétant de son agressivité, suscite contre elle la déesse Ṣaltu, « la Querelleuse », qui représente ce côté agressif. En combattant contre elle, Ishtar parvient à mieux canaliser son énergie martiale. Elle accomplit une danse qui pourrait renvoyer à un rituel accompli dans ses temples[101].


Inanna et Shukaletuda raconte comment Inanna, présentée là comme une jeune fille, manifestement vierge, se réfugie dans un verger lors d'une tempête de sable, et est violée par Shukaletuda, le fils du jardinier responsable du lieu, alors qu'elle est endormie. Devinant ce qui s'est passé dès son réveil, la déesse fait s'abattre des calamités sur le monde terrestre, substituant le sang à l'eau. Elle poursuit le fauteur et finit par le rattraper après des péripéties, et le récit semble se terminer sur la promesse de sa mort par la déesse[102]. On retrouve dans ce texte d'interprétation difficile plusieurs aspects de la déesse : attrait sexuel, destructions liées à une transgression (le viol). Il pourrait par ailleurs renvoyer à l'aspect astral de la déesse, ses mouvements lors de la poursuite correspondant peut-être à ceux de la planète Vénus dans le ciel[103].



Littérature épique |


La littérature épique mésopotamienne est constituée par un ensemble de récits mettant en scène des héros humains, dans lesquels les dieux interviennent souvent, mais en tant que personnages secondaires à divers moments de l'intrigue. Inanna/Ishtar était présente dans plusieurs de ces récits.


En tant que déesse principale d'Uruk, Inanna apparaît dans deux textes appartenant à la geste d'un des rois semi-légendaires de cette cité, Enmerkar, intitulés Enmerkar et le seigneur d'Aratta et Enmerkar et En-suhgir-ana et tournant autour de la rivalité entre la cité d'Uruk et celle d'Aratta, située dans les montagnes iraniennes (l'emplacement exact n'a pas été retrouvé si tant est que cette cité ait effectivement existé). Cette opposition tourne dans les deux cas autour de la déesse, qui disposait d'un temple dans les deux cités, ce qui faisait que les deux rois se disputaient sa préférence, et le choix de la déesse déciderait duquel des deux aurait la primauté sur l'autre. Dans le premier, Enmerkar décide de restaurer le grand temple de sa « sœur » Inanna et demande pour financer cette entreprise que le roi d'Aratta lui envoie un tribut, qui indiquerait sa soumission. Le roi d'Uruk triomphe après une série d'épreuves qui montrent qu'il a été choisi par la déesse. Le second récit suit une trame similaire, s'achevant par la victoire symbolique d'Enmerkar sur En-suhgir-ana d'Aratta, qui reconnaît le choix de la déesse à la fin : « Tu es le seigneur bien-aimé d'Inanna, toi seul est exalté. Inanna t'as assurément choisi pour son giron sacré, tu es son bien-aimé. Depuis l'ouest jusqu'à l'est, tu est le grand seigneur, je suis seulement ton second[104]. » Ces récits, composés probablement sous la dynastie d'Ur III (elle-même originaire d'Uruk), s'inscrivent dans la théologie politique de l'époque faisant des rois les aimés d'Inanna, qui garantissait la prospérité à leur royaume et leur triomphe sur leurs adversaires[105].


Cette idéologie se retrouve dans un autre texte écrit vers la même époque, ayant pour héros un des plus grands souverains de l'histoire mésopotamienne passé au statut de personnage semi-légendaire, Sargon d'Akkad. Ce récit, dont le nom moderne est Sargon et Ur-Zababa, décrit l'ascension de Sargon, qui renverse le roi Ur-Zababa de Kish avant de fonder son empire. Son destin lui est annoncé au début du texte par une apparition de la déesse Inanna dans un de ses rêves : « Sargon se coucha non pas pour dormir, mais il se coucha pour rêver. Dans le rêve, la divine Inanna noyait Ur-Zababa dans une rivière de sang. » Les différentes tentatives entreprises par Ur-Zababa pour contrer ce présage se révèlent, comme toujours dans ce genre de récit, infructueuses en raison du soutien indéfectible d'Inanna, et l'élu des dieux finit par triompher[106].


Le plus célèbre récit épique mésopotamien, l’Épopée de Gilgamesh, comprend également un passage où intervient Ishtar, qui est à l'origine du retournement de l'intrigue de l'épopée. Ces épisodes sont contenus dans la tablette VI de la version standard du récit. Après le triomphe de Gilgamesh et de son acolyte Enkidu face au démon Humbaba, la déesse, séduite par le héros, lui propose de s'unir à elle en lui promettant monts et merveilles, en dernier lieu la domination du Monde. Gilgamesh rejette violemment ses avances en évoquant le destin funeste des amants passés de la déesse :




Pas un de tes amours

que tu aurais aimé toujours !

Pas un de tes favoris

qui aurait échappé à tes pièges !

Viens là, que je te récite

le triste sort de tes amoureux :

Tammuz, le chéri de ton jeune âge,

tu lui as assigné une déploration funèbre annuelle !

Le Rollier polychrome[107], tu l'as aimé :

puis, tout à coup, tu l'as frappé

et le voilà réfugié dans les bois

et qui piaille : « mes ailes ! » (etc.)



— Épopée de Gilgamesh, traduction de J. Bottéro[64]



C'est donc l'aspect négatif et destructeur de la déesse de l'amour qui apparaît ici. Humiliée par cet affront, la déesse demande à son père le grand dieu Anu d'envoyer le Taureau céleste contre Gilgamesh, mais celui-ci le terrasse avec l'aide d'Enkidu, qui à l'issue du combat adresse une dernière provocation à la déesse[108]. Ce triomphe est à l'origine de la mort d'Enkidu, décidée par les grands dieux, qui cause le désarroi de Gilgamesh et l'incite à partir à la quête de l'immortalité.



Hymnes et prières |


Inanna/Ishtar a fait l'objet de nombreux hymnes et prières mis par écrit, visant à s'attirer ses faveurs ou bien apaiser son cœur quand il était considéré qu'elle était à l'origine d'un mal frappant une personne.


Ces textes sont souvent le produit de l'entourage d'un roi visant à interpeller la déesse pour le bien de celui-ci et de son royaume. Par exemple, la tradition mésopotamienne attribue à Enheduanna, fille de Sargon d'Akkad et prêtresse du dieu-lune Nanna à Ur, plusieurs hymnes en sumérien dédiés à Inanna, notamment celui que les historiens désignent comme l’Exaltation d'Inanna, connu dans l'Antiquité par son incipit, Nin-me-sara, « Reine de tous les me ». Ce texte commence par la description des pouvoirs divins (me) détenus par la déesse, puis évoque son aspect impétueux et violent, avant d'invoquer les dieux pour qu'ils viennent en aide à Enheduanna en intercédant en sa faveur auprès d'Inanna[109]. Plusieurs autres hymnes sumériens des périodes d'Ur III et d'Isin-Larsa sont consacrés à la déesse, notamment en rapport avec ses amours heureux et malheureux avec Dumuzi[110]. La popularité de la déesse auprès des souverains ne se tarit pas par la suite. Un des plus beaux hymnes en akkadien de la période paléo-babylonienne est celui dédié par le roi Ammi-ditana de Babylone à la déesse qui chante les bienfaits dont celle-ci la gratifié[111]. De la fin du IIe millénaire av. J.‑C. est daté un autre hymne remarquable bilingue suméro-akkadien, l’Exaltation d'Ishtar, connu seulement par deux chants alors qu'il en comptait à l'origine cinq ou six, relatant comment la déesse est élevée à son rang supérieur par les autres grands dieux[112]. Un autre bel hymne de la même période est celui dédié par le roi assyrien Assurnasirpal Ier à la déesse[113]. À la fin de la période néo-assyrienne, des inscriptions de fondation des rois Assarhaddon et Assurbanipal commémorant la restauration du temple de la déesse à Uruk, l'Eanna, contiennent également des courtes prières invoquant Ishtar d'Uruk[114]. Assurbanipal fait rédiger deux hymnes plus longs, un dédié à Ishtar de Ninive et un autre dédié à celle-ci conjointement à Ishtar d'Arbèles, mettant en avant ses relations privilégiées avec ses deux déesses protectrices[115].


Plusieurs prières pénitentielles et conjuratoires anonymes, témoignant d'une piété plus privée, étaient dédiées à Ishtar[116]. Certaines d'entre elles accompagnaient des offrandes, ou bien s'inscrivaient dans le cadre d'un rituel d'exorcisme visant à repousser le mal. C'est le cas de l'une des mieux conservées, connue par des manuscrits en akkadien mais aussi une version fragmentaire en hittite, dont l'introduction d'une des versions décrit le déroulement du rituel durant lequel elle devait être prononcée[117] :



« En un endroit où l'on n'est pas allé, tu balaieras le toit ; tu aspergeras d'eau pure ; tu disposeras quatre briques (entre lesquelles) tu entasseras des copeaux de peuplier ; tu y mettras le feu ; tu y verseras des aromates, de la fine farine, du cyprès ; tu feras une libation, sans te prosterner. Tu réciteras trois fois cette incantation ; face à (l'étoile d')Ishtar, tu te prosterneras ; puis tu partiras sans regarder derrière toi. »



— Prière à Ishtar, traduction de R. Labat[118].


Après avoir loué la grandeur de la déesse, le texte de la prière en question contient une série de suppliques visant à ce que la déesse, qui s'est détournée du fidèle et l'a affligé d'un mal, soit à nouveau favorable envers celui-ci :




Accueille avec plaisir ma prosternation, écoute mes prières,

regarde-moi avec confiance, reçois mes supplications !

Jusques quand, ô ma Dame, seras-tu courroucée, et, détourné, ton visage ?

Jusques quand, ô ma Dame, seras-tu irritée, et, furieuse, ton âme ?

Tourne ta nuque, que par indifférence à mon égard tu tenais détournée, et consens à une parole favorable !

Comme la partie dormante de l'eau d'une rivière, que ton âme, pour moi, s'apaise,

pour que je puisse piétiner, comme le sol, ceux qui me sont arrogants !

Et ceux qui me manifestent leur colère, soumets-les moi et fais-les moi fouler sous mes pieds !



— Prière à Ishtar, traduction de R. Labat[119].




Sanctuaires et cultes d'Inanna/Ishtar |


De par son importance, Ishtar est une déesse « supra-régionale » qui dispose de nombreux lieux de culte dans différentes cités de Mésopotamie, et même au-delà si on tient compte des divinités non-mésopotamiennes auxquelles elle est fortement assimilée. Un cas similaire existe pour d'autres divinités, comme le dieu de l'Orage. On connaît donc plusieurs « Ishtars », chacune appelée en fonction de son origine géographique suivant la forme « Ishtar de (lieu géographique) ». Parmi les plus notables, on peut mentionner : en Basse Mésopotamie, Uruk, Kish, Babylone, Akkad, Zabalam, ou encore Nippur ; en Haute Mésopotamie, Ninive, Assur et Arbelès. Ces divinités reflètent la complexité de l'histoire de la déesse, de la façon dont son culte se diffuse, en prenant souvent pied là où d'autres divinités similaires existaient déjà. Leur étude permet par ailleurs d'approcher plus concrètement le déroulement de son culte et son lien avec les souverains des différents royaumes mésopotamiens.


La question se pose de savoir dans quelle mesure ces divinités étaient considérées comme différentes et donc avec une individualité propre, tout en étant la manifestation d'une divinité unique. Il est courant dans les textes de voir figurer côte-à-côte plusieurs de ces Ishtars locales et qui disposent parfois de temples indépendants dans une même ville (à Babylone notamment). Dans beaucoup de cas la théologie ne laisse pas voir de différence entre ces variantes, qui en feraient des figures proprement originales, mais certaines hypostases locales présentent bien des aspects plus affirmés que d'autres, en particulier le couple Ishtar d'Arbèles-Ishtar de Ninive en Assyrie qui semblent bien vues comme étant des divinités indépendantes[29],,[30]. Ainsi la fonction guerrière est plus prononcée chez Ishtar d'Arbèles et d'Akkad, Ishtar de Ninive a une fonction guérisseuse, mais ces trois déesses ne sont pas ou très peu liées à l'amour et la sexualité à la différence d'Inanna/Ishtar d'Uruk et de Babylone, et d'une manière générale l'Inanna/Ishtar de la mythologie. Du reste certains sanctuaires sont consacrés à des incarnations d'un aspect précis de la déesse (« Ishtar des étoiles » pour l'aspect astral, « Ishtar de la bataille » pour la guerre, la « Reine flamboyante », Šarrat nipḫi, en Assyrie récente).



Uruk |


Article connexe : Uruk.



Tablette de comptabilité d'Uruk, Uruk III (c. 3200-3000 av. J.-C.) : enregistrement d'une livraison de produits céréaliers pour une fête de la déesse Inanna[120]. Pergamon Museum.


Uruk est le lieu de culte le plus durablement associé à Inanna/Ishtar, puisque son culte y est attesté dès la fin du IVe millénaire av. J.‑C., parmi les plus anciens documents écrits. La déesse, vénérée sous différentes formes (« Inanna du matin » et « Inanna du soir », deux formes liés à son aspect astral, « Inanna des Enfers » et Inanna-NUN), et disposant apparemment de plusieurs temples (le « temple d'Inanna », èš-inanna, peut-être déjà le « temple du Ciel », é-an) est mentionné dans plusieurs textes de distributions d'offrandes. Inanna d'Uruk est dès ces époques une divinité majeure de Sumer, sans doute parce qu'Uruk est alors la plus puissante cité de ce pays. L'autre divinité principale d'Uruk aux périodes postérieures, le dieu céleste An, n'est pas attesté avec assurance pour cette période, mais l'est assurément pour la suivante[121]. Le site de l'Eanna, qui a fait l'objet de nombreuses fouilles, présente en tout cas une séquence archéologique remarquable, puisque ses niveaux les plus anciens, de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.‑C., forment un groupe monumental sans équivalent pour cette période (niveaux V et IV). La fonction des édifices n'est cependant pas assurée, et il est probable qu'on y trouvait aussi bien des lieux profanes que sacrés. Le site devient assurément un lieu essentiellement cultuel au début du IIIe millénaire av. J.‑C., s'il ne l'est pas déjà dès la fin du précédent (niveau III)[122].




Inscription d'Ur-Nammu commémorant la reconstruction de l'Eanna. Texte : « Pour la déesse Inanna, Dame de l'Eanna, sa dame, Ur-Nammu, mâle puissant, roi d'Ur, roi des pays de Sumer et d'Akkad, a construit et restauré son temple pour elle[123]. »


Les sources du IIIe millénaire av. J.‑C. sont plus explicites sur le culte d'Inanna d'Uruk et son importance. Son temple a dès lors le nom qu'il aura durant la majeure partie de son histoire, « Temple du Ciel », Eanna[124]. Plusieurs récits sumériens, notamment les hymnes d'Enheduanna, évoquent comment la déesse aurait été introduite dans ce sanctuaire : une tradition veut qu'elle ait supplanté An et pris sa place dans le temple qui était auparavant le sien ; une autre qu'elle ait été amenée depuis le Ciel par un être mythologique (apkallu)[125]. En tout cas, l'Eanna est l'un des temples mésopotamiens les plus estimés, et il est régulièrement restauré par les souverains qui placent Uruk sous leur coupe, qui ont laissé de nombreuses inscriptions relatant ces travaux[126]. Se développe autour de 3000 av. J.-C. une haute terrasse caractéristique des lieux de culte de cette période, surplombée plus tard par un temple. Le sanctuaire est remanié par le roi Ur-Nammu d'Ur III vers 2100 av. J.-C., pour être notamment doté de sa ziggurat, entourée par une enceinte imposante comprenant probablement la cella de la divinité. Cette organisation reste en plus durant le millénaire suivant, même si le lieu de culte est délaissé lors de l'abandon d'Uruk (et de plusieurs grandes villes de l'extrême-sud mésopotamien) entre le XVIIe et le XIVe siècle av. J.-C. Le culte ne reprend que progressivement après cela, comme en atteste la construction d'un petit temple par le roi kassite Kara-indash au remarquable décor à briques moulées[127].




Ruines de l'Eanna, dominées par la ziggurat d'Ishtar.


Un projet de remaniement ambitieux est entrepris à la fin du VIIe siècle av. J.-C. par le roi assyrien Sargon II et poursuivi par son ennemi Merodach-baladan II quand il domine temporairement Uruk. De nouveaux murs sont construits, entourant plusieurs cours, et deux chapelles dédiées à Ishtar et Nanaya sont érigées aux pieds de la ziggurat. L'organisation du complexe architectural reste identique durant la période néo-babylonienne et le début de la période achéménide (VIe – Ve siècle av. J.-C.). Pour le VIe et le début du Ve siècle av. J.-C., l'activité du temple est documentée par de nombreuses tablettes, relatives notamment à sa richesse économique : plus de 10 000 hectares de terres arables, plus de 100 000 ovins, aussi une grande quantité de dépendants, notamment les « oblats » (širku), sortes de serfs, marqués de l'étoile d'Ishtar symbolisant le fait qu'ils avaient été voués à la déesse. Le sanctuaire périclite néanmoins à l'époque achéménide, au début du Ve siècle av. J.-C.[128] À cette période ou juste après au début de l'ère des Séleucides, se produit un bouleversement dans le panthéon d'Uruk, puisqu'Anu reprend la place prééminente et se voit doté d'un nouveau temple qui devient le sanctuaire principal de la ville, dont dépend celui d'Ishtar, également nouveau et appelé Irigal, qu'elle partage avec Nanaya.


Le culte de l'Eanna tel qu'il ressort des nombreuses tablettes exhumées à Uruk pour les périodes néo-babylonienne et achéménide présente les aspects classiques d'un culte divin mésopotamien. Ishtar d'Uruk est la déesse majeure, mais elle est entourée de plusieurs acolytes, redoublant du reste des aspects de sa personnalité, en premier lieu Nanaya[129]. Ishtar et ces déesses reçoivent de nombreuses offrandes alimentaires quotidiennes lors de repas pris le matin et le soir, qui sont aussi bien abondantes que diverses (des céréales, des fruits, notamment des dates, de la viande, du poisson, du lait, des gâteaux, etc.)[130], vêtements et ornements luxueux pour sa statue de culte, mis en valeur notamment lors de cérémonies d'habillement[131]. Les fêtes venant scander le calendrier cultuel de la ville sont rarement associées directement à Ishtar, même s'il est probable que plusieurs lui étaient au moins en partie consacrées. Le culte d'Uruk comprenait alors de nombreuses fêtes comme dans les autres grands sanctuaires mésopotamiens : néoménie (eššešu), fête de la veille nocturne (bayātu), fête de la préparation des timbales (rikis lilissi), voyages divins (ṣidītu)[132]. À la fin du IIIe millénaire av. J.‑C. est attestée une fête relevant de ce dernier type, comprenant manifestement des processions, la fête du bateau du Ciel (sumérien ezem-má-anna), qui fait référence à l'embarcation utilisée par Inanna pour se rendre à Eridu dans le mythe Inanna et Enki ; elle dure au moins cinq jours pendant lesquels la déesse reçoit de nombreuses offrandes[133]. Une fête attestée par une description d'époque hellénistique commence dans le temple d'Ishtar, où sont réunies d'autres (statues de) déesses, puis une procession part en direction du temple de la fête akitu où s'achève le rituel[134].



Akkad |




Empreinte de sceau-cylindre de la période d'Akkad représentant Ishtar ailée et armée (à gauche), aux côtés des dieux le dieu Shamash, Ea et Ushmu.


Ishtar est la divinité principale de la ville d'Akkad/Agadé, dont les ruines n'ont pas été identifiées, n'étant donc connue que par des textes. Son temple, l'é-ulmaš, était un des principaux lieux de culte de la déesse en Basse-Mésopotamie[135]. Il aurait été érigé à l'époque des souverains de l'empire d'Akkad (v. 2340-2190 av. J.-C.), qui avaient une relation privilégiée avec la déesse, au point que leur période a été considérée par la suite comme le « règne d'Ishtar »[136]. Comme évoqué plus haut, c'est à elle que la tradition postérieure attribuait l'élévation de Sargon d'Akkad, le fondateur de la dynastie, au rang de roi, dans le récit Sargon et Ur-Zababa. L'autre grand souverain de cette lignée, Naram-Sîn, plaçait dans ses inscriptions la déesse Ishtar au premier rang, et se présentait comme son bien-aimé. Les représentations du souverain (notamment sur sa Stèle de la victoire) comme un personnage attirant, au corps érotisé, pourrait renvoyer à cette volonté de plaire à la déesse, tout en reliant l'exercice du pouvoir à l'attrait sexuel[137]. Sur une stèle, la déesse présente au souverain des cordes retenant les pays qu'il avait soumis, symbolisant le fait que ces triomphes étaient voulus par elle.


L'aspect guerrier de la déesse, « Ishtar de la bataille » (Annunītum) est mis en avant à cette période[21]. Cela se retrouve dans les inscriptions de Naram-Sîn, ainsi que dans les écrits d'Enheduanna, sa tante, grande-prêtresse du dieu-lune Nanna à Ur, qui préfère néanmoins se tourner vers Ishtar lorsque sa dynastie est menacée par une rébellion. Dans un autre texte qui lui est attribué, Inanna et Ebih, l'aspect conquérant de la déesse est également glorifié[136]. Dans cette logique, les scènes gravées sur les sceaux-cylindres de la période représentent la déesse sous sa forme ailée et armée.


Cet aspect guerrier de la déesse se retrouve au VIe siècle av. J.-C. dans les inscriptions du roi babylonien Nabonide célébrant la reconstruction du temple d'Ishtar d'Akkad :



« C'est pourquoi, Ishtar d'Akkad, déesse du combat, regarde joyeusement cette maison (son temple), la demeure que tu aimes, et ordonne que je vive ! Parle chaque jour en présence de Marduk, le roi des dieux, du prolongement de mes jours et de l'accroissement de mes années ; va à mon côté là où il y aura mêlée et bataille, pour que je tue mes adversaires et que j'abatte mes ennemis ! »



— Prière de Nabonide de Babylone à Ishtar d'Akkad, à l'issue de la reconstruction de son temple, traduction de M.-J. Seux[138].



Ninive |


Article connexe : Ninive.

La déesse de Ninive est durant plusieurs siècles l'une des principales divinités de la Mésopotamie du Nord. Elle apparaît dans la documentation écrite sous la dynastie d'Ur III, au XXIe siècle av. J.-C., sous le nom Šauša, qui est manifestement une variante ancienne du nom de la déesse en hourrite employé au IIe millénaire av. J.‑C., Shaushga. Ninive est en effet restée durant la majeure partie de cette période dominée par une population hourrite. Les souverains amorrites qui dominèrent la ville épisodiquement assimilèrent cette déesse à Ishtar, à l'image de Samsi-Addu d'Ekallatum et Hammurabi de Babylone au XVIIIe siècle av. J.-C. et il en fut de même pour toutes les populations sémitiques de la région par la suite. La déesse de Ninive connut une popularité croissante à l'époque du royaume hourrite du Mitanni (XVe – XIVe siècle av. J.-C.), dont elle était la principale divinité au côté du dieu de l'orage Teshub, son frère suivant la théologie locale. Les lettres du roi mitannien Tushratta retrouvées à tell el-Amarna en Égypte indiquent qu'il a envoyé la statue de la déesse en Égypte. Vers cette même époque, son culte est introduit en pays hittite, par le biais de l'influence hourrite, même si la prépondérance de la culture lettrée mésopotamienne (donc de la langue akkadienne) fait qu'on y écrivait aussi bien son nom par le logogramme IŠ-TAR emprunté à l'akkadien, que phonétiquement Shaushga. En tout état de cause la différence de nature entre les deux déesse était ténue. De toutes les variantes locales d'Ishtar/Shaushga attestées dans les textes hittites, celle de Ninive (souvent appelée « Reine de Ninive ») est la plus courante aux côtés de celle de Samuha, et elle dispose de lieux de culte dans des villes hittites, notamment la capitale Hattusa. À la fin de l'empire hittite, Ishtar/Shaushga prend une place majeure, puisqu'elle est la divinité protectrice du roi Hattusili III et devient sous son fils Tudhaliya IV la principale déesse du panthéon officiel après la Déesse-soleil d'Arinna/Hebat. Ishtar de Ninive est par ailleurs invoquée dans de nombreux rituels magiques hittites pour guérir des maladies, mais en revanche elle ne présente par les aspects astraux et martiaux traditionnels d'Ishtar, qui semblent plutôt réservés à sa variante de Samuha[38]. Dans le cycle de Kumarbi, principal groupe de textes mythologiques hourrites qui nous soit parvenu, Shausga/Ishtar est présente à plusieurs reprises, et y est mentionnée explicitement comme la « Reine de Ninive », jouant un rôle de séductrice (en usant de ses charmes et de ses talents de chanteuse et musicienne) pour aider son frère Teshub à vaincre ses ennemis, avec des succès divers : si elle réussit à charmer le serpent Hedammu, en revanche ses attraits ne sont d'aucun secours pour lutter contre le géant Ullikummi, qui est sourd et aveugle[139].




Ishtar armée, sous le symbole de l'étoile, détail d'une impression d'un sceau-cylindre d'époque néo-assyrienne (vers 800 av. J.-C.). Cabinet des médailles.


Quand Ninive est intégrée dans l'empire assyrien à partir du XIVe siècle av. J.-C., la déesse locale devient appelée Ishtar (ou Issar). Elle conserve sa place de divinité de premier plan, son temple étant l'un des plus importants du royaume, et expliquant sans doute en grande partie le prestige de Ninive en Assyrie, alors qu'elle ne devient capitale qu'à la fin de l'histoire de ce pays, vers 700 av. J.-C.[28] Mais elle doit de plus en plus partager sa position avec Ishtar d'Arbèles[29]. Le temple d'Ishtar de Ninive, situé sur le tell principal de Ninive, Kuyunjik, était appelé en sumérien é-maš-maš ou é-meš-meš (sens inconnu) fut restauré à de nombreuses reprises durant l'histoire assyrienne, à partir d'un plan antérieur issu des travaux d'aménagement de Samsi-Addu vers 1800 av. J.-C. C'est un temple rectangulaire d'environ 106 × 55 mètres d'orientation sud-ouest/nord-est, dont la cella n'a pas été dégagée. Y était associée une ziggurat dont les ruines avaient disparu au moment des fouilles. Ishtar de Ninive disposait par ailleurs d'un temple consacré à la fête akitu, ayant lieu au Nouvel An dans les principales villes mésopotamiennes, qui se trouvait également sur le tell de Kuyunjik et d'un autre dans les faubourgs de la cité[140].



Arbèles |


L'autre grande déesse assyrienne était Ishtar d'Arbèles, ville correspondant à l'actuelle Erbil, située dans le Kurdistan irakien. Le grand temple de l'Ishtar locale était appelé « Maison de la Dame du pays » (é-gašan-kalamma) et disposait d'une ziggurat. Les inscriptions de plusieurs rois assyriens mentionnent la restauration du sanctuaire, qui n'est connu que par les textes dans la mesure où le site ne peut être fouillé car recouvert par la ville moderne. La déesse disposait également d'un temple destiné à la fête akitu qui se déroulait en son honneur, dans une localité voisine de la ville appelée Milqia. Ishtar d'Arbèles est surtout mentionnée dans les textes en tant que soutien des souverains néo-assyriens de la première moitié du VIIe siècle av. J.-C., Assarhaddon et Assurbanipal, notamment en lien avec leurs victoires militaires car la déesse semble avoir un aspect guerrier très prononcé. Ils y célébrèrent des rituels de triomphe, appelés « entrée dans la ville » (ērab āli) lors de leurs plus éclatantes victoires, notamment celles contre l’Égypte et l'Élam. Plusieurs tablettes documentent comment la déesse communiquait avec eux pour leur manifester leur soutien, par le biais de deux variantes de divination : le prophétisme et l'oniromancie[141].


Le clergé des différents temples d'Ishtar existant en Assyrie comprenait des prophètes et prophétesses (raggimu et raggintu) qui étaient régulièrement « possédés » par la déesse qui transmettait un message adressé au souverain par leur intermédiaire, suivant une tradition bien implantée dans le Nord mésopotamien durant l'Antiquité. Ceux du temple d'Ishtar d'Arbèles sont les mieux documentés, et semblent avoir eu une importance particulière. Ils transmettaient régulièrement des messages garantissant le soutien de la déesse au souverain, celle-ci étant alors considérée comme une des principales divinités protectrices des rois aux côtés du grand dieu national Assur et d'Ishtar de Ninive, garantissant avant tout leurs triomphes militaires. Les prophéties étaient donc rapportées au roi et plusieurs tablettes ont ainsi conservé leur contenu[142], ainsi celle-ci destinée à Assarhaddon :



« Assarhaddon, roi des pays, ne crains rien ! Le vent qui soufflait contre toi, n'ai-je point brisé ses ailes ? Tes ennemis, partout, rouleront devant tes pieds comme des pommes (mûres) du mois de Siwan (au printemps). Je suis la Grand Dame, je suis Ishtar d'Arbèles, qui, devant tes pieds, détruira tes ennemis ! Quelles sont les paroles que je t'ai dites et auxquelles tu n'as pu te fier ? Je suis Ishtar d'Arbèles ! Je surveille tes ennemis et te les livrerai ! Moi, Ishtar d'Arbèles, je marche devant toi et derrière toi ! Ne crains rien ! Toi, tu seras dans la joie, moi, je serai dans les peines. Je vais de l'avant. Reste là !
De la bouche du (prophète) Ishtar-la-tashiat, d'Arbèles. »



— Prophétie inspirée par la déesse Ishtar d'Arbèles, garantissant sa protection au roi Assarhaddon[143].


Par ailleurs plusieurs textes du règne d'Assurbanipal évoquent comment Ishtar d'Arbèles prenait contact avec lui en suscitant des rêves chez des « voyants » (šabrû), qui jouaient de fait un rôle similaire à celui des prophètes. Ainsi, une de ses inscriptions relate que, la veille d'une bataille cruciale contre l'Élam, il pria la déesse de lui accorder son secours, et elle apparaît en rêve à un de ses voyants, qui lui décrit sa vision à son réveil :



« La Déesse Ishtar qui réside à Arbèles entra. Des carquois pendaient à sa droite et à sa gauche, elle tenait dans sa main un arc, et elle avait dégainé une épée acérée afin de combattre. Tu te tenais devant elle, pendant qu'elle te parlait comme une mère à un enfant. Ishtar, la divinité la plus élevée, t'appela et te donna l'ordre suivant : « Tu prévois de faire la guerre - J'irai où tu souhaites aller ! » (...) Elle t'abrita de sa douce embrassade, protégeant tout ton corps. Du feu illuminait son visage, et elle partit furieusement et impétueusement pour défaire son ennemi, se dirigeant vers Teumman, le roi d'Élam, qui l'avait mise dans une colère noire. »



— Inscription d'Assurbanipal[144].



Babylone |


Article connexe : Babylone.



La Porte d'Ishtar de Babylone reconstituée au Pergamon Museum de Berlin.




Plan du temple d'Ishtar d'Akkad à Babylone.


Une hypostase d'Ishtar était vénérée à Babylone, où elle était connue sous le nom de « Dame de Babylone » (Bēlet Bābili). Son temple, dont le nom cérémoniel était « Maison-Enclos du Pays » (é-tur-kalamma) n'a pas été mis au jour lors des fouilles. Il est attesté depuis le début du IIe millénaire av. J.‑C. et est restauré à plusieurs reprises durant l'histoire de la ville. La liste des temples de Babylone contenue dans le texte Tintir, une topographie sacrée de la ville, indique que d'autres hypostases d'Ishtar avaient des temples dans la cité : un temple à la Dame d'Akkad (sans doute le temple d'Ishtar d'Akkad fouillé dans le secteur du Merkès), un autre à la Dame de Ninive, deux à la Dame de l'Eanna, Ishtar d'Uruk, et un autre à Ishtar des étoiles, ainsi qu'un grand nombre de petits sanctuaires en plein air (ibratu, peut-être des sortes de niches ; 180 selon le texte)[145]. Ishtar de Babylone jouait également un rôle de gardienne des portes de la cité, et lui avait été dédiée une des portes principales de la ville, la porte d'Ishtar, dont le nom sacré était « Ishtar terrasse son assaillant », située sur la voie processionnelle principale de la ville ouvrant l'accès aux secteurs des palais et des temples, elle-même nommée selon Tintir « Ishtar est l'ange gardien (lamassu) de ses troupes ». Son décor est constitué de briques recouvertes de glaçure bleue ou vertes portant des représentations de lions, de taureaux et de dragons. Elle est actuellement exposée au Pergamon Museum à Berlin où elle a été transportée à l'issue des fouilles allemandes du site de Babylone[146].


Plusieurs rituels dédiés à Ishtar de Babylone sont connues par des tablettes, hélas en état très fragmentaires[31]. Un fragment de tablette d'époque tardive (hellénistique ou parthe) décrit ainsi une fête dédiée à la déesse, qui avait lieu sur plusieurs jours au mois de Simanu (mai-juin). Il était marqué par la récitation de poèmes et l'exécution de rituels dans différents lieux de la ville. Ainsi, le neuvième jour du mois au matin, un prêtre de son clergé spécialisé dans la récitation d'hymnes (kurgarrû) se rend aux abords de la cella du temple de Nanaya dans lequel il jette des fruits, puis l'après-midi des membres du clergé féminin du temple d'Ishtar de Babylone y font de même. Ces fruits symbolisant des aphrodisiaques, ce rituel est lié au rôle de divinités de la sexualité qu'ont les deux déesses[147].


D'autres rituels impliquant Ishtar sont contenus dans le corpus intitulé « Love Lyrics » lors de sa première publication, qui en fait n'a rien de chants d'amour : de ce que l'on saisi de ces textes fragmentaires, ils renvoient à un rituel, sans doute accompli par les assinnu et kurgarrû du clergé de la déesse, décrivant un triangle amoureux entre Marduk, le grand dieu de Babylone, sa parèdre Zarpanitu, et Ishtar de Babylone qui y joue le rôle de la séductrice menaçant le couple. Plusieurs passages sont des complaintes de Zarpanitu envers Ishtar, qu'elle maudit de façon qu'elle ne puisse s'unir à son époux : dans un passage, elle lui souhaite de tomber du toit du temple où elle rencontre Marduk une fois la nuit tombée ; dans d'autres, plus explicites sur la nature physique des relations amoureuses entre le dieu et Ishtar et littéralement pornographiques, elle souhaite qu'Ishtar ne puisse obtenir des tissus pour laver ses parties génitales (« à présent qu'on dise aux femmes de Babylone : « Les femmes ne vont pas donner de chiffon, pour essuyer sa vulve, essuyer son vagin. » ») puis qu'un chien vienne en bloquer l'accès (« Dans tes parties génitales dans lesquelles tu as tant confiance, je ferai rentrer un chien et il en interdira fermement l'entrée »). Il s'agit donc de rituels mettant en scène Ishtar sous son aspect séducteur, tentatrice qui parvient à ses fins, maudite par l'épouse trompée et jalouse, sans manifestement impliquer la responsabilité de l'époux infidèle ; ils avaient peut-être pour but de lutter contre une rivale en amour[148].



Postérité |


Les dernières attestations de l'existence de fidèles d'Ishtar semblent se trouver dans des inscriptions du IIe siècle de notre ère trouvées à Hatra, en Mésopotamie du Nord, où le nom de la déesse se trouve dans l'onomastique locale et qui mentionnent peut-être aussi la déesse Ishtar d'Arbèles[149]. En fait, ce sont d'autres déesses qui lui sont similaires dont le culte a mieux résisté dans les périodes antérieures à la christianisation puis à l'islamisation du Moyen-Orient : dans le nord mésopotamien (Hatra et Assur) on retrouve une déesse qui évoluait auparavant dans l'ombre d'Ishtar, Nanaya (de plus en plus appelée simplement Nana) qui connaît même une remarquable expansion dans le monde iranien et jusqu'en Asie centrale[150], tandis que le culte d'Astarté et surtout d'Atargatis (la « Déesse syrienne » évoquée en particulier par Lucien de Samosate) reste ancré dans l'espace syro-levantin. La figure d'Inanna/Ishtar persiste donc d'une certaine manière dans ces déesses qui lui sont proches et qu'elle a influences, ainsi que dans d'autres (Anahita, Aphrodite, Vénus). Et comme les autres déesses astrales sémitiques qualifiées de « Reine du Ciel » (Anat, Astarté), son culte a influencé celui de la Vierge Marie dans le christianisme naissant (en particulier dans la secte des Collyridiens) et jusqu'à nos jours[35]. Le nom de la déesse Ishtar réapparaît dans des incantations inscrites en araméen sur des bols mandéens exhumés dans le Sud mésopotamien et datés des alentours des Ve – VIe siècle, parmi les démons que l'on cherchait à combattre (aux côtés de la démone Lilith), ce qui indique que son statut a évolué avec le développement des nouvelles religions. Le terme pourrait plutôt renvoyer à son sens secondaire, celui de « déesse ». On trouve dans un bol la mention d'une « Istar d'Akat », qui semble être la dernière attestation d'Ishtar d'Akkad[151].


Depuis la redécouverte de la civilisation mésopotamienne et de l'importance qu'avait Inanna/Ishtar dans l'univers religieux de celle-ci, en particulier dans la mythologie, cette déesse, comme bien d'autres déesses antiques liées (en particulier orientales), a exercé une évidente fascination aussi bien dans le milieu de la recherche scientifique qu'auprès d'autres audiences. Cette fascination est en particulier liée à son rôle de déesse de la sexualité et à des pratiques manifestement fantasmées comme la pratique de la prostitution sacrée, ainsi que d'autres traits attribués à la femme orientale dans l'imaginaire occidental. Du reste cela suscitait déjà de telles réactions chez les auteurs de l'Antiquité classique, par exemple Hérodote (I, 199) pour qui toute femme babylonienne est susceptible de s'adonner à la prostitution en l'honneur de la déesse[152].


La déesse se retrouve de ce fait dans plusieurs œuvres de la culture contemporaine. Ainsi, dans le domaine de la musique symphonique, le compositeur Vincent d'Indy (1851-1931) a composé en 1896 un poème symphonique intitulé Istar, variations symphoniques[153], et Michael Nyman a composé en 1992 le Self-laudatory hymn of Inanna and her omnipotence pour le consort de violes Fretwork et le contre-ténor James Bowman[154] (œuvre sera reprise en 2015 par le contre-ténor Paulin Bündgen et l'ensemble Céladon). Autre hommage moderne, Ishtar est une des 1 038 femmes représentées dans l'œuvre contemporaine The Dinner Party de Judy Chicago, aujourd'hui exposée au Brooklyn Museum. Cette œuvre se présente sous la forme d'une table triangulaire de 39 convives (13 par côté). Chaque convive étant une femme, figure historique ou mythique. Les noms des 999 autres femmes figurent sur le socle de l'œuvre. La déesse Ishtar est la troisième convive de l'aile I de la table[155]. Les astronomes ont par ailleurs nommé en l'honneur de la déesse un des deux continents qu'ils ont découvert sur la planète Vénus à laquelle elle était associée, appelé Ishtar Terra[156]. La déesse sert enfin d'inspiration à des auteurs de romans ou de bandes-dessinées.



Références |




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  15. Selz 2000, p. 32-33 ; Goodnick Westenholz 2007, p. 336


  16. Avis contraire émis par (en) I. J. Gelb, « The name of the goddess Innin », dans Journal of Near Eastern Studies 19, 1960, p. 72-79.


  17. Selz 2000, p. 33-35


  18. Abusch 1999, p. 454-455


  19. Selz 2000, p. 37-39


  20. a et bGoodnick Westenholz 2007, p. 345 : « son aspect le plus archaïque et basique de dimorphisme astral est la source des ambiguïtés et des contradictions de son personnage, y compris son androgynie apparente » (« her most archaic and basic aspect of astral dimorphism is the source of the ambiguities and contradictions in her character including her apparent androgyny »).


  21. a b et cGoodnick Westenholz 2007, p. 336


  22. a et bGoodnick Westenholz 2007, p. 335


  23. a et b(en) J. G. Westenholz, « King by Love of Inanna - an image of female empowerment? », NIN: Journal of Gender Studies in Antiquity, no 1,‎ 2000, p. 91-94


  24. (en) The Assyrian Dictionary of the Oriental Institute of the University of Chicago, Volume 7 I-J, Chicago, 1960, p. 271-274 ; (de) W. von Soden, Akkadisches Handwörterbuch, Band I, Wiesbaden, 1965, p. 399-400


  25. Selz 2000, p. 33


  26. Ce déclin est un phénomène important dans l'histoire de la religion mésopotamienne, d'interprétation difficile, cf. (en) W. G. Lambert, « Goddesses in the pantheon: A reflection of women in society ? », dans J.-M. Durand (dir.), La femme dans le Proche-Orient antique, XXXIIIe Rencontre assyriologique internationale, Paris, 7-10 juillet 1986, Paris, 1987, p. 125-130 et (en) P. Michalowski, « Round about Nidaba: on the early goddesses of Sumer », dans S. Parpola et R. M. Whiting (dir), Sex and Gender in the Ancient Near East, Proceedings of the XLVIIe Rencontre assyriologique internationale. Helsinki, July 2-6, 2001, Helsinki, 2002, p. 413-422.


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  30. a et b(en) S. L. Allen, The Splintered Divine: A Study of Istar, Baal, and Yahweh Divine Names and Divine Multiplicity in the Ancient Near East, Boston, Berlin et Munich, 2015, p. 141-199 propose plus largement que le panthéon néo-assyrien ait compris une classe de déesses appelées Ishtar : « Ištar goddesses comprised a special class of deity in the Neo-Assyrian world » (p. 197).


  31. a et b(en) W. G. Lambert, « The Cult of Ishtar of Babylon », dans Le temple et le culte (CRRAI XXXVII), Leyde, 1975, p. 104–106


  32. Beaulieu 2004


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  55. Cf. par exemple Black et Green 1998, p. 144


  56. Cf. (en) J. A. Scurlock, « Lead plaques and other obscenities », dans NABU 1, 1993, n°20.


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  61. (en) M. Silver, « Temple / Sacred Prostitution in Ancient Mesopotamia Revisited. Religion in the Economy », dans Ugarit Forschungen 38, 2006, 631-663 offre un panorama détaillé des arguments en faveur de cette thèse. Même avis dans D. Charpin, La vie méconnue des temples mésopotamiens, Paris, 2017, p. 135-161 et (en) M. Stol, Women in the Ancient Near East, Berlin et Boston, 2016, p. 419-435. Contra par exemple D. Arnaud, « La prostitution sacrée en Mésopotamie, un mythe historiographique ? », dans Revue de l'Histoire des Religions 183, 1973, p. 111-115 ; (en) J. Goodnick Westenholz, « Tamar, Qědēšā, Qadištu, and Sacred Prostitution in Mesopotamia », dans The Harvard Theological Review 82/ 3, 1989, p. 245-265. (en) J. Assante, « From Whores to Hierodules: The Historiographic Invention of Mesopotamian Female Sex Professionals », dans A. A. Donohue et M. D. Fullerton (dir.), Ancient Art and Its Historiography, Cambridge, 2003, p. 13–47 va jusqu'à remettre en cause la réalité de la prostitution en Mésopotamie ancienne, thèse peu suivie.


  62. a et b(de) B. Groneberg, « Die sumerisch-akkadische Inanna/Ištar: Hermaphrodotos? », dans Welt des Orients 17, 1986, p. 25–46. (en) Z. Bahrani, op. cit., p. 143-146. (en) J. Assante, « Bad Girls and Kinky Boys? The Modern Prostituting of Ishtar, Her Clergy and Her Cults », dans T. S. Scheer (dir.), Tempelprostitution im Altertum: Fakten und Fiktionen, Berlin, 2009, p. 23-54 y voit de son côté des acteurs d'un culte martial (« cult warriors »). (en) I. Peled, « assinnu and kurgarrû Revisited », dans Journal of Near Eastern Studies 73/2, 2014, p. 283-297.


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  74. À partir de S. N. Kramer, L'Histoire commence à Sumer, Paris, 1994, p. 224-225 et (en) « A praise poem of Shulgi (Shulgi X): translation », sur The Electronic Text Corpus of Sumerian Literature (consulté le 3 janvier 2016)


  75. V. Grandpierre, Sexe et amour de Sumer à Babylone, Paris, 2012, p. 189. Ici, le terme « rempart » fait référence à la prostitution de rue.


  76. a b et cV. Grandpierre, Sexe et amour de Sumer à Babylone, Paris, 2012, p. 46


  77. J. Bottéro, La plus vieille religion : en Mésopotamie, Paris, 1998, p. 244 et 301. « ... la nuit de noces était réellement et matériellement consommée par le roi en personne, jouant le rôle de Dumuzi, et, pour celui d'Inanna, par une lukur, une prêtresse ... »


  78. F. Joannès, « Mariage sacré », dans F. Joannès, Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, 2001, p. 509


  79. Goodnick Westenholz 2007, p. 340


  80. À partir de (en) W. W. Hallo (dir.), The Context of Scripture, t. II, Leyde et Boston, 2003, p. 203 (trad. Th. P. J. ven den Hout).


  81. (en) S. Parpola, Assyrian Prophecies, Helsinki, 1997 , p. xxxix et ic n. 174, qui propose même que les rois assyriens aient été placés dans leur enfance auprès de religieuses des temples d'Ishtar qui étaient leurs nourrices.


  82. (en) J. Assante, « The Lead Inlays of Tukulti-Ninurta I: Pornography as Imperial Strategy », dans J. Cheng et M. H. Feldman (dir.), Ancient Near Eastern Art in Context, Studies in Honor of Irene J. Winter by Her Students, Leyde et Boston, 2007, p. 372.


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  92. (en) Z. Bahrani, op. cit., p. 158-160


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  94. Bottéro et Kramer 1989, p. 275-295 et 318-328 ; Black et al. 2004, p. 65-76


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  103. (en) J. L. Cooley, « Early Mesopotamian astral science and divination in the myth of Inana and Šukaletuda », dans Journal of Ancient Near Eastern Religions 8, 2008, p. 75-98


  104. Black et al. 2004, p. 3-11


  105. Beaulieu 2004, p. 106-108


  106. Black et al. 2004, p. 40-44


  107. Bottéro propose cette traduction conjecturale du nom de l'oiseau appelé allalu en akkadien, et dont le piaulement aurait pu s'entendre comme « mes ailes ! » (kappî !). Il y aurait là selon lui un trait étiologique.


  108. (en) A. R. George, The Babylonian Gilgamesh Epic: Introduction, Critical Edition and Cuneiform Texts, t. I, Oxford, 2003, p. 470-478


  109. Black et al. 2004, p. 315-320


  110. Par exemple Black et al. 2004, p. 77-99


  111. Seux 1976, p. 39-42


  112. Labat 1970, p. 240-247


  113. Labat 1970, p. 250-252 ; Seux 1976, p. 497-501


  114. Beaulieu 2004, p. 118-119


  115. Seux 1976, p. 100-102


  116. Seux 1976, p. 159-164, 185-199, 321-328, 400-401, 435-440, 457-461


  117. Labat 1970, p. 253-257. Seux 1976, p. 186-194 la considère plutôt comme une prière pénitentielle.


  118. Labat 1970, p. 253


  119. Labat 1970, p. 256


  120. Tablette W 5233,a/VAT 15245


  121. Beaulieu 2004, p. 103-105


  122. F. Joannès, « Eanna », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, 2001, p. 254-255


  123. À partir de (en) D. Frayne, The Royal inscriptions of Mesopotamia, Early periods, vol. 3/2, Ur III period (2112-2004 BC), Toronto, 1993, p. 71-72.


  124. Beaulieu 2004, p. 105-106


  125. Beaulieu 2004, p. 111-115


  126. Beaulieu 2004, p. 111-119


  127. F. Joannès, op. cit., p. 255


  128. F. Joannès, op. cit., p. 255-257


  129. Beaulieu 2004, p. 179


  130. Beaulieu 2004, p. 159-169 et 174-176


  131. Beaulieu 2004, p. 140-159 et 176-177


  132. Beaulieu 2004, p. 35-36


  133. (en) M. E. Cohen, The Cultic Calendars of the Ancient Near East, Bethesda, 1993, p. 215-220


  134. (en) M. J. H. Linssen, The Cults of Uruk and Babylon, The Temple Rituals Texts as Evidence for Hellenistic Cult Practices, Leyde, 2004, p. 121-122


  135. (en) A. R. George, House Most High : The Temples of Ancient Mesopotamia, Winona Lake, 1993, p. 155


  136. a et b(en) B. Foster, The Age of Agade: Inventing Empire in Ancient Mesopotamia, Londres et New York, 2016, p. 141


  137. (en) I. Winter, « Sex, Rhetoric and the Public Monument: The Alluring Body of the Male Ruler in Mesopotamia », dans N. B. Kampen et al. (dir.), Sexuality in Ancient Art, Cambridge et New York, 1996, p. 11–26.


  138. Seux 1976, p. 523


  139. (en) H. A. Hoffner Jr., Hittite Myths, Atlanta, 1998, p. 51-55 et 60-61


  140. (en) J. Reade, « The Ishtar Temple at Nineveh », dans Iraq 67, 2005, p. 347-390


  141. P. Villard, « Arbèles », dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, 2001, p. 68-69


  142. (en) S. Parpola, Assyrian Prophecies, Helsinki, 1997 ; P. Villard, « Les prophéties à l'époque néo-assyrienne », dans A. Lemaire (dir.), Prophètes et rois, Bible et Proche-Orient, Paris, 2001, p. 55-84.


  143. Adapté de Labat 1970, p. 257.


  144. À partir de (en) A. L. Oppenheim, The Interpretation of Dreams in the Ancient Near East, Transactions of the American Philosophical Society 46/3, Philadelphie, 1956, p. 249 et (en) S. Parpola, op. cit., p. xlvi-xlvii.


  145. (en) A. R. George, Babylonian Topographical Texts, Louvain, 1992, p. 58-62, 307-308 et 68-69.


  146. J. Marzahn, La porte d'Ishtar de Babylone, Mayence, 1993


  147. (en) A. R. George, « Four temple rituals from Babylon », dans A. R. George et I. L. Finkel (dir.), Wisdom, Gods and Literature: Studies in Assyriology in Honour of W. G. Lambert, Winona Lake, 2000, p. 270-280


  148. (en) W. G. Lambert, « Divine Love Lyrics from Babylon », Journal of Semitic Studies 4, 1959, p. 1-15 ; Id., « The Problem of Love Lyrics », dans H. Goedicke et J. J. M. Roberts (dir.), Unity and Diversity: Essays in the History, Literature and Religion of the Ancient Near East, Baltimore, 1975, p. 98-135 ; (de) D. O. Edzard, « Zur Ritualtafel der sog. 'Love Lyrics' », dans F. Rochberg-Halton (dir.), Language, Literature, and History: Philological and Historical Studies Presented to Erica Reiner, New Haven, p. 57-70. (en) M. Ninissen, « Akkadian Rituals and Poetry of Divine Love », dans R. M. Whiting (dir.), Mythology and Mythologies. Methodological Approaches to Intercultural Influences, Helsinki, 2001, p. 123-125 ; Goodnick Westenholz 2007, p. 342-343


  149. E. Lipiński, « Le culte d'Ištar en Mésopotamie du Nord à l'époque parthe », dans Orientalia Lovaniensia Periodica 13, 1982, p. 117-124. Avec cependant des réserves en raison des difficultés de lecture des inscriptions, cf. E. Martínez Borolio, « Aperçu de la religion des Araméens », dans G. del Olmo Lete (dir.), Mythologie et religion des sémites occidentaux. Volume 2, Émar, Ougarit, Israël, Phénicie, Aram, Arabie, Louvain, 2008, p. 433-434.


  150. Beaulieu 2004, p. 189


  151. (en) E. C. D. Hunter, « Who are the demons? The iconography of incantation bowls », dans Studi Epigrafici e Linguistici sul Vicino Oriente antico 15, 1998, p. 95-115. (en) C. Müller-Kessler, « Interrelations between Lead Rolls and Incantation Bowls », dans T. Abusch et K. van der Toorn (dir.), Mesopotamian Magic. Textual, Historical, and Interpretative Perspectives, Groningue, 1999, p. 206-208.


  152. (en) Z. Bahrani, Women of Babylon, Londres et New York, 2001, p. 141, 146-148 et plus largement 161-179.


  153. F.-R. Tranchefort, Guide de la Musique Symphonique, Paris, 1998 (1re éd. 1986), p. 374


  154. (en) A. G. Artner, « Nyman: Self-laudatory hymn of Inanna and her omnipotence... », sur Chicago Tribune, 21 novembre 1993(consulté le 13 février 2017)


  155. Musée de Brooklyn - Ishtar


  156. (en) « Ishtar Terra », sur Gazetteer of Planetary Nomenclature - USGS Astrogeology Science Center (consulté le 13 février 2017)



Bibliographie |



Sources |



  • René Labat, « Les grands textes de la pensée babylonienne », dans René Labat, André Caquot, Maurice Sznycer et Maurice Vieyra, Les religions du Proche-Orient asiatique, Textes babyloniens, ougaritiques, hittites, Paris, Fayard, 1970, p. 1-349

  • Jean Bottéro et Samuel N. Kramer, Lorsque les dieux faisaient l'Homme, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1989

  • Marie-Joseph Seux, Hymnes et prières aux dieux de Babylonie et d'Assyrie, Paris, Le Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient », 1976

  • (en) Jeremy Black, Graham Cunningham, Eleanor Robson et Gábor Zólyomi, Literature of Ancient Sumer, Oxford, Oxford University Press, 2004



Synthèses sur Inanna/Ishtar |



  • Francis Joannès, « Ištar », dans Francis Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2001, p. 421-424

  • (en) Tzvi Abusch, « Ishtar », dans Karel van der Toorn, Bob Becking et Pieter W. van der Horst (dir.), Dictionary of Deities and Demons in the Bible, Leyde, Boston et Cologne, Brill, 1999, p. 848-852

  • (en) Joan Goodnick Westenholz, « Inanna and Ishtar in the Babylonian World », dans Gwendolyn Leick (dir.), The Babylonian World, New York, 2007, p. 332-347

  • (en) Yaǧmur Effron, « Inana/Ištar (goddess) », sur Ancient Mesopotamian Gods and Goddesses, Oracc and the UK Higher Education Academy, 2013(consulté le 25 novembre 2014)

  • (en) Gebhard J. Selz, « Five Divine Ladies: Thoughts on Inana(k), Ištar, In(n)in(a), Annunītum, and Anat, and the Origin of the Title "Queen of Heaven" », NIN, Journal of Gender Studies in Antiquity, vol. 1,‎ 2000, p. 29-62



Autres études sur la religion mésopotamienne |



  • (en) Jeremy Black et Anthony Green, Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, Londres, British Museum Press, 1998

  • (en) Thorkild Jacobsen, The Treasures of Darkness: A History of Mesopotamian Religion, New Haven, Yale University Press, 1976

  • (en) Paul-Alain Beaulieu, The Pantheon of Uruk during the Neo-Babylonian Period, Leyde et Boston, Brill - Styx, 2003



Voir aussi |


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Articles connexes |



  • Porte d'Ishtar

  • Vase d'Ishtar


  • Isis, équivalent chez les Égyptiens


  • Ashtoreth, équivalent chez les Phéniciens


  • Astarté ou Athtart à Ougarit


  • Shaushka ou Shaushga chez les Hourrites


  • Ashtart en langue punico-phénicienne,

  • Istar, variations symphoniques




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